Publié le : 26/12/2021 – 16:03
C’était la dernière des grandes icônes de la lutte contre l’apartheid : l’archevêque Desmond Tutu, la conscience morale de l’Afrique du Sud mais aussi un grand espiègle et un rire puissant, est mort, dimanche, à 90 ans. Retour sur la vie emblématique d’un fervent défenseur des droits de l’Homme.
L’ancien archevêque sud-africain Desmond Tutu est mort, dimanche 26 décembre, à l’âge de 90 ans.
“The Arch”, comme le surnomment affectueusement les Sud-Africains, était affaibli depuis plusieurs mois. Souffrant depuis longtemps d’un cancer de la prostate, il est sans doute mort de vieillesse, paisiblement à 7 heures, dimanche, selon plusieurs de ses proches.
Depuis 2010, à l’âge de 79 ans, il avait décidé de lever le pied et d’arrêter les apparitions publiques qui le fatiguaient. Il voulait se concentrer sur la vieillesse et « servir, tous les matins au lit, une tasse de chocolat à sa femme », Leah Shenxane, qu’il avait épousée en 1955.
Il ne parlait plus en public mais saluait les caméras présentes à chacun de ses déplacements, sourire et regard malicieux, comme lors de sa vaccination contre le Covid-19 ou en octobre ou à la cérémonie célébrant ses 90 ans.
Figure de luttes
Jusque récemment, Desmond Tutu a imposé sa petite silhouette violette et son franc-parler légendaire pour dénoncer les injustices et écorner tous les pouvoirs.
Il avait passé tellement d’années à combattre les injustices raciales sous l’apartheid mais aussi ces derniers temps, sous la présidence de Jacob Zuma, dont il a dénoncé avec véhémence les travers, qu’il était difficile d’imaginer cet homme se taire dans une retraite bien méritée.
Desmond Tutu s’était fait connaître aux pires heures du régime politique ségrégationniste qui a duré pendant près d’un demi-siècle, jusqu’en 1991.
Né le 7 octobre 1931 dans la ville minière de Klerksdorp, à l’ouest de Johannesburg, d’une mère domestique et d’un père directeur d’école primaire, Desmond Tutu devient d’abord instituteur comme son père avant de démissionner en 1957 de son poste de professeur au Johannesburg Bantu High School, pour s’insurger contre les nouvelles mesures sur l’enseignement donné aux Noirs.
Il se lance alors dans des études de théologie au sein de l’Église anglicane. Il est ordonné prêtre à l’âge de 30 ans en 1971, puis doyen du diocèse de Johannesburg quatre ans plus tard – il est le premier noir à occuper ce poste, comme il sera plus tard le premier archevêque noir du Cap.
Alors prêtre, il organise des marches pacifiques contre la ségrégation et plaide pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria.
Sa robe lui épargne la prison. Bénéficiant de son statut de clerc, Desmond Tutu évite l’incarcération, comparativement à des figures du combat anti-apartheid comme Nelson Mandela ou Steve Biko, et ne passe que très brièvement par la case prison. Son combat non-violent est couronné du prix Nobel de la paix en 1984.
Une vie engagée
En 1978, le leader devient le premier dirigeant noir du Conseil sud-africain des églises (SACC), qui compte 15 millions de fidèles actifs dans la lutte contre le régime ségrégationniste.
Après l’avènement de la démocratie en 1994, et l’élection de son ami Nelson Mandela, Desmond Tutu donne à l’Afrique du Sud le surnom de « Nation arc-en-ciel ». Il préside en 1995 la Commission de la vérité et de la réconciliation (TRC) visant à faire la lumière sur l’apartheid. Une étape clé, considérée comme l’une des pierres angulaires de la réconciliation sud-africaine.
Fidèle à ses engagements, il dénonce les dérives du gouvernement de l’ANC, des errements dans la lutte contre le sida aux scandales de corruption.
Avant de se retirer de la vie publique en 2010, le militant des droits de l’Homme préside en 2007 « The Elders » (les Anciens), un groupe de personnalités internationales œuvrant pour le règlement de conflits dans le monde, et manifeste son soutien au Dalaï Lama et au Tibet en 2009.
En 2013, il promet même de ne plus voter pour le parti fossoyeur de l’apartheid : « Je n’ai pas combattu pour chasser des gens qui se prenaient pour des dieux de pacotille et les remplacer par d’autres qui pensent en être aussi ».
Parmi ses autres combats, il défend aussi les homosexuels – « Je ne vénérerais pas un Dieu homophobe (…) Je refuserais d’aller dans un paradis homophobe » – et milite pour le droit au suicide assisté en 2016.
La dernière fois que le pays a eu de ses nouvelles, c’était le 1er novembre. Loin des regards, il avait voté aux élections locales.
Avec AFP
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