Publié le : 25/12/2021 – 11:52
Des scientifiques allemands ont trouvé à quelle région du cerveau était liée à la stimulation du clitoris. Ces travaux pourraient aider à développer à l’avenir de meilleurs traitements pour les personnes ayant subi des violences sexuelles, telles que les mutations génitales.
C’est une première. Plus de quinze ans après une découverte similaire pour les parties génitales masculines, une équipe de chercheurs allemands est parvenue à découvrir avec précision à quelle zone du cerveau était connecté le clitoris. Leur étude, publiée le 20 décembre dans la revue scientifique JNeurosci, montre la localisation exacte de l’aire du cerveau activée lors d’une stimulation du clitoris.
Ce travail a été réalisé en stimulant le clitoris de 20 femmes de 18 à 45 ans en bonne santé, tout en réalisant une IRM de leur cerveau.
Lorsqu’une partie du corps est touchée, une activité neuronale est déclenchée dans le cortex somatosensoriel. Chaque partie du corps correspond à une aire différente du cerveau, y formant une sorte de carte corporelle. Mais jusqu’ici, l’endroit précis dédié aux organes génitaux féminins restait sujet à débat.
De précédentes études l’avaient parfois placé sous la représentation du pied, d’autres près de celle de la hanche. Cette dernière étude révèle que pour les femmes la représentation des parties génitales est bien située près de celle de la hanche, comme pour les hommes.
Jusqu’ici les techniques de stimulation trop peu précises – par soi-même ou un partenaire – avaient pour défaut d’entraîner le toucher simultané d’autres parties du corps ou de déclencher une excitation, brouillant ainsi les résultats de l’IRM.
Cette fois, pour les stimulations, l’équipe scientifique a conçu spécifiquement un petit objet rond appliqué au-dessus des sous-vêtements au niveau du clitoris, avec des jets d’air et une petite membrane qui se met à vibrer légèrement.
Dispositif de stimulation sensorielle et tactile de la région clitoridienne utilisé par l’équipe de chercheurs de Andrea J.J. Knop. © AFP
Mesurer l’impact des techniques de réparations génitales
Cette découverte marque une avancée dans la connaissance du plaisir féminin, déjà très à la traîne : il a fallu attendre 1998 pour connaître l’anatomie exacte du clitoris grâce à la dissection, puis à une IRM réalisée en 2005 seulement. Et l’anatomie complète n’a été représentée correctement dans un manuel scolaire français qu’en 2017.
Mais cette avancée pourrait surtout aider à développer à l’avenir de meilleurs traitements pour les personnes souffrant de troubles sexuels, ou encore pour les victimes de violences sexuelles, notamment de mutations génitales.
Le professeur Pierre Foldès, premier au monde à avoir mis au point une technique de reconstruction du clitoris, juge cette avancée importante. « Grâce à sa précision, ce nouvel outil va nous permettre de mesurer l’impact des techniques de réparation », explique le chirurgien à France 24. Un outil précieux, puisque ces techniques, rappelle-t-il, sont en constante évolution parce que les mutilations génitales et leurs complications varient d’une femme à l’autre.
La connaissance des circuits nerveux du clitoris est au cœur du travail de ce médecin, qui a réparé plus de 6 000 patientes en trente ans, le but étant « de reconstituer un clitoris fonctionnel [doté de connexions nerveuses] et pas seulement esthétique ».
La découverte de l’équipe de chercheurs allemands va permettre de mesurer scientifiquement les signaux de plaisir émis dans le cerveau après réparation de l’organe féminin mutilé, « même si la parole des patientes devra continuer d’être écoutée en premier », souligne le professeur, qui invite à ne pas oublier l’accompagnement psychologique de tout travail chirurgical. C’est dans ce but qu’il a cofondé à l’initiative de la militante Frédérique Martz à Saint-Germain-en Laye, dans la banlieue parisienne, l’institut Women Safe & Children, un lieu d’accueil, d’écoute et d’accompagnement psychologique, juridique et social.
Retard de connaissance sur la sexualité féminine
« Nous sommes en 2021, il était temps qu’on s’intéresse aux spécificités de l’anatomie féminine », estime pour sa part Fabienne el-Khoury, porte-parole de l’association Osez le féminisme, contactée par France 24. L’étude ne porte que sur 20 femmes, ce n’est qu’un début. Il va falloir élargir sur un échantillon plus grand pour en apprendre davantage encore. »
« On essaie de rattraper un déficit de connaissances de haut niveau sur la sexualité féminine », admet le professeur Foldès. Il y a 30 ans, cet urologue de formation découvre l’ampleur des mutilations génitales en mission pour Médecin du monde dans des zones de guerre, notamment en Afrique subsaharienne.
De retour, il se rend compte qu’il n’existe pas de cartographie précise de l’anatomie du clitoris : « Une page et demie lui était consacrée contre 10 pages pour la verge. » Le chirurgien se lance alors dans des recherches et découvre « l’anatomie moderne » de cet organe féminin du plaisir : une partie du clitoris entoure le vagin. Une révolution qui va lui permettre de réparer des clitoris excisés, dont une partie enfouie (les bulbes) reste intacte dans la plupart des mutilations.
L’identification de l’aire corticale du clitoris marque donc une étape importante du rattrapage de ce retard. Les auteurs de l’étude en ont pleinement conscience. « La façon dont les organes génitaux féminins sont représentés dans le cortex somatosensoriel humain est complètement sous-étudiée », explique Christine Heim, professeure de psychologie médicale à l’hôpital universitaire de la Charité à Berlin, et co-auteure de l’étude. « Et ce manque de connaissances a freiné la recherche à la fois sur les comportements sexuels standards, mais également sur des conditions pathologiques », a-t-elle ajouté.
La chercheuse souhaite étudier si certains troubles sexuels sont liés à des altérations de l’aire génitale située dans le cerveau. Elle émet l’hypothèse que pour des personnes ayant subi des violences sexuelles, cette zone ait pu être réduite par une sorte de « réponse du cerveau afin de limiter l’effet nocif de l’abus ». Grâce à ses recherches, des thérapies visant à « entraîner » cette aire pourraient alors, peut-être, être envisagées.
Avec AFP
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