Publié le : 25/12/2021 – 09:50
L’astrophysicien Olivier Berné sera l’un des premiers à utiliser le télescope James Webb, qui doit être lancé le 25 décembre. Il explique à France 24 ce qu’il veut observer dans l’univers et pourquoi ce télescope, qui prend la relève de Hubble, va changer la donne pour notre compréhension de l’univers.
Il sera l’un des premiers scientifiques au monde à contempler l’univers à travers les yeux surpuissants du nouveau télescope spatial James Webb (JWT), qui doit être lancé samedi 25 décembre. Olivier Berné, astrophysicien à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie, fait partie avec sa collègue Émilie Habart – de l’Institut d’astrophysique spatiale – de l’un des 13 premiers programmes sélectionnés, sur environ 200 soumis, à pouvoir profiter des 460 premières heures d’observation allouées par la Nasa.
« C’est l’aboutissement de toute une carrière. Quand j’ai commencé à travailler en 2004, on parlait déjà des promesses du télescope James Webb », reconnaît cet astrophysicien basé à Toulouse, contacté par France 24. Cet appareil doit prendre la relève du célèbre télescope Hubble après 31 ans de bons et loyaux services spatiaux.
Vers la nébuleuse d’Orion et au-delà
Pour lui, « être l’un des premiers à pouvoir ainsi avoir un nouveau regard sur l’univers à un niveau de détails encore jamais atteint, c’est un peu comme lorsque Galilée a reçu ses nouvelles lentilles polies pour pouvoir mieux observer la surface de la Lune ».
Ce Français aura le droit d’utiliser toute la puissance du télescope James Webb pendant une quarantaine d’heures à partir de début septembre 2022. Avant cela, les équipes de la Nasa américaine, de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de son homologue canadienne ASC – qui ont conçu ensemble l’engin spatial – profiteront de la première moitié de l’année prochaine pour calibrer et tester cet immense télescope qui doit arriver à destination à 1,5 million de km de la Terre un mois après son décollage.
Olivier Berné va demander de pointer le tout nouveau télescope vers la nébuleuse d’Orion, qui se trouve à 1 300 années-lumière de la Terre. « À l’échelle de l’univers, c’est un peu notre voisin direct. En fait, il s’agit de la région de formation d’étoiles – avec des étoiles massives comme celles qui ont existé dans la jeunesse de notre système solaire – la plus proche de nous », précise le scientifique français.
La nébuleuse d’Orion est ce qu’on appelle une « pouponnière d’étoiles », c’est-à-dire une zone de notre univers qui produit encore activement des planètes et des étoiles. À travers cette observation de deux jours à peine, Olivier Berné et son équipe espèrent « mieux comprendre notre origine car on estime que le système solaire s’est formé dans un environnement similaire à celui de la nébuleuse d’Orion ».
D’autres équipes de scientifiques vont s’intéresser à d’autres régions de l’univers parfois bien plus éloignées encore de notre Terre. L’un des programmes retenus cherchera à prendre les premières photos vraiment détaillées d’exoplanètes, un autre tentera de percer les mystères des atmosphères de ces astres situés en dehors de notre système solaire. Enfin, plusieurs scientifiques observeront des amas de galaxies à plus de 5 milliards d’années-lumière du système solaire.
Si les astrophysiciens veulent tant utiliser le télescope James Webb pour explorer les confins de l’univers, c’est que sa principale promesse est de pouvoir voir plus loin dans le temps et l’espace que Hubble.
Ce dernier a réussi à prendre des clichés d’une galaxie située à un peu plus de 13 milliards d’années-lumière de notre système solaire. Le JWT doit permettre d’aller encore plus loin pour capter la lumière émise par des étoiles nées quelques centaines de millions d’années seulement après le Big Bang.
De l’importance de la lumière infrarouge
C’est pour cela que les astrophysiciens attendent tant du nouveau télescope spatial : il doit ouvrir la fenêtre la plus grande à ce jour sur les origines de la galaxie. « Si on dit que Hubble pouvait voir des galaxies dans leur enfance, le télescope James Webb permettra de les observer encore bébés », résume la Nasa sur son site dédié à ces puissants outils spatiaux d’observation.
Une prouesse qui vient de la capacité du JWT d’observer les lumières infrarouges là où Hubble ne percevait que ce qui est visible à l’œil nu et dans le spectre des ultraviolets. Une évolution qui change tout, car « comme l’univers est en expansion accélérée, les objets lointains s’éloignent plus vite et cet éloignement génère ce qu’on appelle un ‘rougissement’ de la lumière qu’ils émettent. Dans certains cas, la lumière est décalée jusqu’à l’infrarouge et on a donc besoin d’un télescope capable d’observer ce spectre lumineux », résume Olivier Berné.
Mais pourquoi est-ce que cet astrophysicien français a-t-il choisi de porter l’attention de cet engin surpuissant sur la nébuleuse d’Orion, une région qui se trouve à quelques pâtés d’étoiles seulement de la Terre ? C’est qu’en réalité, l’infrarouge n’est pas utile uniquement pour observer très loin. « Un autre avantage réside notamment dans le fait que le signal le plus lumineux des exoplanètes vient des rayonnements infrarouges », explique Olivier Berné. En d’autres termes, c’est ce qui pourrait permettre aux astrophysiciens d’avoir la vision la plus claire des planètes situées hors de notre système solaire.
C’est d’autant plus vrai que la « lumière infrarouge est très pénétrante, ce qui devrait permettre de mieux observer les nébuleuses et de voir à travers les nuages afin de se faire une idée plus précise de la composition atmosphérique des exoplanètes observées et des régions où se forment ces planètes », ajoute le chercheur français.
Dans la quête des astrophysiciens pour trouver des planètes où des formes de vie pourraient se développer, l’étude des atmosphères est souvent considérée comme l’un des éléments clés.
Enfin, même si les observations d’Olivier Berné ne porteront pas sur l’infiniment loin et ancien, elles pourraient s’avérer utiles pour comprendre ce qui s’est passé un peu après le Big Bang. La nébuleuse d’Orion a, en effet, déjà été bien observée avec d’autres télescopes et utiliser le JWT permettra de mettre en relation certains signaux infrarouges avec des caractéristiques physiques déjà connues. « On espère pouvoir créer une boîte à outils, une sorte d’étalon pour d’autres observations », conclut Olivier Berné.
Mais tout ça, c’est pour beaucoup plus tard. Pour l’instant, l’astrophysicien français attend avec beaucoup d’impatience de pouvoir jeter un coup d’œil sur les premiers clichés de la nébuleuse d’Orion. Des photos qui vaudront très cher car prises avec un télescope dont la construction aura coûté près de 11 milliards de dollars.
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