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Lors d’une manifestation demandant la criminalisation de l’homosexualité, à Dakar, le 23 mai 2021. SEYLLOU / AFP
Rendez-vous a été pris à l’Assemblée nationale à Dakar. Ce mercredi 22 décembre, le collectif And Samm Jikko Yi, fondé notamment par l’ONG islamique Jamra, va remettre à un groupe de députés une proposition de loi dont l’objectif est de durcir les peines punissant l’homosexualité au Sénégal. Si l’initiative bénéficie d’un soutien dans une partie de l’opinion publique, elle inquiète la communauté LGBT, déjà fortement discriminée.
Actuellement, l’article 319 du Code pénal punit d’un à cinq ans d’emprisonnement toute personne qui aura commis un « acte contre-nature avec un individu de son sexe ». Mais les quatre députés qui portent la nouvelle proposition de loi veulent aller plus loin. « L’objectif est de lutter contre toute perversion dans l’espace public. Ces personnes doivent respecter la société dans laquelle elles vivent et faire ce qu’elles veulent en privé. La liberté a ses limites », explique Moustapha Guirassy, qui a participé à l’écriture du texte.
Dans sa version actuelle, celui-ci propose que toute personne qui aura été reconnue coupable de « lesbianisme, homosexualité, bisexualité, transsexualité, intersexualité, zoophilie, nécrophilie et autres pratiques assimilées » soit punie d’une peine de cinq à dix ans de prison ferme et d’une amende de 1 à 5 millions de francs CFA (de 1 524 à 7 622 euros). Selon ses promoteurs, le renforcement des sanctions pénales rendra la nouvelle loi dissuasive. « L’article 319 ne mentionne pas et ne définit pas clairement l’homosexualité, donc cela ouvre une brèche pour l’impunité des personnes accusées », explique Mame Moctar Gueye, porte-parole de Jamra, qui reproche aux homosexuels d’« envahir l’espace public ».
Dans le texte, les définitions de certains termes, comme « lesbiennes » ou « queer », sont imprécises voire fausses. Quant à l’homosexualité, elle est mise au même niveau que la zoophilie et la nécrophilie, toutes considérées comme des déviances sexuelles. Le document pourrait encore changer en commission des lois, reconnaît Mame Moctar Gueye : « Ce texte n’est pas définitif, il pourrait être remodelé et réécrit par des spécialistes, mais l’esprit général restera. »
« La situation devient dramatique »
Si le processus parlementaire peut être encore long avant même la présentation du texte en assemblée plénière, les inquiétudes sont déjà vives. Souleymane Diouf (un pseudonyme), homosexuel exilé en France et représentant du collectif Free Sénégal, qui défend les droits des homosexuels, pointe surtout deux alinéas. L’un prévoit de retirer les droits civiques, civils et politiques à toute personne reconnue coupable. L’autre punit l’apologie de l’homosexualité « par tout moyen de diffusion publique ou par le financement de toute activité relative à l’agenda LGBT » de trois à cinq ans de prison et jusqu’à 5 millions de francs CFA.
« Cela signifie que nous, les militants, sommes visés. Nous craignons aussi que les médias ou les ONG qui travaillent dans la lutte contre le VIH, épidémie avec une forte prévalence dans la communauté homosexuelle, soient condamnés par cette loi », s’alarme Souleymane Diouf, pour qui le vote de cette loi serait un recul pour la démocratie sénégalaise et une remise en cause de l’Etat de droit.
Le militant rappelle que ce débat a des répercussions sur l’accès aux soins et à l’emploi pour les homosexuels : face aux diffamations et aux menaces dont elles sont la cible au quotidien, les personnes concernées doivent de plus en plus se cacher. « L’homophobie grandit depuis plusieurs années, la situation devient dramatique », juge-t-il. En mai, une marche pour la criminalisation de l’homosexualité avait rassemblé une foule importante à Dakar et avait été suivie d’actes homophobes dans le pays.
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