Le cours du gaz en Europe a battu un nouveau record mardi au premier jour de l’hiver, dopé par la demande saisonnière et les tensions géopolitiques entre le principal fournisseur, la Russie, et ses pays clients.
« Le gaz naturel européen poursuit son inexorable ascension », constatent les analystes de Deutsche Bank, du fait de « températures qui continuent à baisser en Europe » et de « l’absence de réservation par Gazprom (le géant gazier russe, NDLR) de capacités supplémentaires en janvier pour le gaz passant par l’Ukraine ».
Le cours européen de référence, le TTF néerlandais, est monté vers 12H00 GMT (13H00 à Paris) de près de 20% à 175,00 euros le mégawattheure (MWh), battant son record précédent du 6 octobre, quand celui du gaz britannique pour livraison le mois prochain a culminé à 435,00 pence par thermie (une unité de quantité de chaleur), suivant une hausse par rapport à la clôture de la veille.
Ces niveaux de prix au comptant sont près de huit fois supérieurs à ceux du début d’année.
Pour certains analystes, cette flambée récente des cours – le TTF néerlandais évoluait sous les 100 euros le MWh et le gaz britannique ne cotait pas plus de 250 pence par thermie au début du mois de décembre – illustre tant la forte demande à mesure que les températures baissent que les craintes sur l’offre, dont un tiers provient de Russie.
– Un gazoduc sous pression –
Le regain de tensions à la frontière entre la Russie et l’Ukraine est régulièrement mis en avant par les observateurs du marché pour expliquer la flambée des prix.
Les Occidentaux affirment que Moscou masse des soldats à la frontière ukrainienne en vue d’une possible opération militaire, des accusations rejetées par la Russie qui se dit au contraire sous la menace de l’Otan, qui arme l’Ukraine et multiplie les déploiements de moyens aériens et maritimes dans la région de la mer Noire.
Le changement de ton à Berlin sur le gazoduc controversé Nord Stream 2 est également au centre des préoccupations des investisseurs, puisque ce dernier permettrait de contourner l’Ukraine, voie de transit utilisée actuellement pour une bonne partie du gaz russe acheté par l’Union européenne (UE).
Long de 1.200 kilomètres, ce gazoduc qui passe sous les eaux de la Baltique, de la Russie au nord-est de l’Allemagne, a toujours été défendu par l’ancienne chancelière conservatrice Angela Merkel mais le nouveau gouvernement allemand du social-démocrate Olaf Scholz est autrement moins conciliant.
Le ministre de l’Economie allemand, l’écologiste Robert Habeck, a mis en garde samedi contre de « sévères conséquences » pour le pipeline en cas d’agression de la Russie contre l’Ukraine.
La nouvelle cheffe de la Diplomatie Annalena Baerbock avait menacé le 12 décembre « d’arrêt » pur et simple de Nord Stream 2 en cas d’escalade en Ukraine.
La décision de certification du gazoduc Nord Stream 2 par le régulateur allemand n’est pas attendue avant mi-2022.
– Guerre des nerfs –
Dans ce contexte, chaque nouveau coup de menton diplomatique entraîne une vague d’achat sur le marché du gaz.
Le dernier en date: l’expulsion lundi de deux diplomates allemands en réponse à une mesure similaire prise la semaine passée par Berlin qui accuse Moscou d’avoir commandité l’assassinat d’un opposant tchétchène en Allemagne en 2019.
Les stocks de gaz en Europe ont par ailleurs été entamés par un hiver prolongé en 2020 et n’ont pas été suffisamment réapprovisionnés depuis.
A cela s’ajoute un apport réduit d’énergies renouvelables, comme l’éolien, pour des raisons météorologiques.
Cette flambée se répercute sur le marché de l’électricité, particulièrement au Royaume-Uni où la production énergétique est bien plus dépendante du gaz et des énergies renouvelables que la France par exemple, où le nucléaire domine dans la génération électrique.
Face à l’envolée de leurs coûts, la moitié des distributeurs d’électricité britanniques a mis la clé sous la porte depuis cet été.
Les gouvernements se sont retrouvés ces mois-ci sous pression pour tenter de minimiser les envolées des factures d’électricité attendues pour des consommateurs déjà éprouvés par les conséquences économiques de la pandémie. La France a ainsi mis en place des chèques énergie.
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