Les plus optimistes veulent encore croire que le nord-est agricole de la Syrie fait face à un décalage de la saison hivernale. Mais, pour certains humanitaires et experts, la zone septentrionale est entrée dans une grave sécheresse et le pays détruit par dix ans de guerre se dirige vers une nouvelle catastrophe. Avec des pluies en retard, l’inquiétude gagne les agriculteurs : seule une infime partie des terres cultivées a pu être plantée jusqu’ici, faute notamment de précipitations.
Les conséquences d’une sécheresse seraient dévastatrices dans un pays morcelé où aux ravages des canons a succédé une grave crise socio-économique : plus de 60 % de la population vit en situation d’insécurité alimentaire, une proportion qui s’est accrue depuis 2019. Et le sort des agriculteurs, vulnérables, est désormais en péril.
« S’il y a peu d’évolution dans la pluviométrie d’ici à fin janvier, nous courons au désastre. La donne peut encore changer. Mais nous sommes déjà inquiets », prévient Mike Robson, représentant en Syrie de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
« Une agriculture déjà très malade »
La sécheresse en Syrie, accentuée par le changement climatique, est cyclique. Mais si ce scénario alarme cette année, c’est parce que de nombreux voyants sont au rouge : en 2020-2021, saison classée comme « sécheresse modérée » par la FAO, la production de blé a atteint moins de la moitié de la quantité escomptée dans le Nord-Est syrien, région la plus touchée par le manque de pluies. Dans ce grenier à blé, le niveau de l’Euphrate, source d’irrigation et d’eau potable, est au plus bas – des habitants accusent les groupes pro-turcs qui contrôlent la région d’Afrin pour Ankara de bloquer le passage de l’eau par une station de pompage. Dans le nord-ouest de la Syrie, un réservoir d’eau dont dépendent des centaines de foyers d’agriculteurs s’est retrouvé totalement asséché, du jamais-vu en près de trente ans d’existence.
Le risque de sécheresse menace « une agriculture déjà très malade », constate Rami Zurayk, professeur à la faculté de sciences de l’agriculture et de l’alimentation à l’Université américaine de Beyrouth. La productivité agricole du pays, qui s’enorgueillissait autrefois de son autosuffisance en blé, tourne autour de 30 % de ce qu’elle était avant 2011.
Le calvaire des agriculteurs a commencé avant la guerre : les périodes de sécheresse de 2006 à 2010, ajoutées aux mesures de libéralisation entreprises par le pouvoir de Bachar Al-Assad, ont eu raison des petits producteurs, contraints à l’exode vers les villes. Le conflit a aggravé les calamités : destruction des infrastructures en eau, exil de Syriens originaires de régions rurales vers les pays voisins…
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