France World

Boris Johnson piégé par ses contradictions sur le Brexit

Editorial du « Monde ». Approuvé par référendum depuis plus de cinq ans, signé voici deux ans, en vigueur depuis moins d’une année, le Brexit n’est clairement pas un chemin parsemé de roses. Et le discours de Boris Johnson célébrant, le 30 décembre 2020, « le début d’une merveilleuse relation entre le Royaume-Uni et [ses] amis et partenaires de l’Union européenne » grince sérieusement aujourd’hui aux oreilles, après un an de conflits sur l’Irlande du Nord, les migrants et la pêche.

Dans ce contexte, la démission, samedi 18 décembre, de David Frost, farouche anti-européen, négociateur intransigeant du Brexit, puis ministre chargé de le mettre en œuvre, apparaît comme la sanction d’un échec : celui de la stratégie de l’affrontement avec l’Union européenne (UE). En menaçant de suspendre unilatéralement l’accord commercial signé avec l’UE pour protester contre les contrôles douaniers entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord – contrôles formellement acceptés par M. Johnson –, David Frost pensait pouvoir faire plier les Vingt-Sept. Mais ces derniers, liés par la nécessité d’empêcher toute brèche dans les frontières du marché unique, n’ont pas cédé.

Au même moment, le premier ministre s’est trouvé de plus en plus affaibli par une série de revers. A la révélation du scandale de la fête organisée à Downing Street en plein confinement, en 2020, s’est ajoutée la rébellion d’une centaine de députés conservateurs contre son projet de passe sanitaire, suivie par la perte retentissante d’un bastion tory lors d’une élection partielle.

Confronté en outre à un violent retour du Covid, Boris Johnson n’est plus en mesure de maintenir une ligne dure à l’égard de l’UE. Un compromis est en vue sur l’Irlande du Nord, et Londres a abandonné son refus du rôle de la Cour de justice de l’Union dans le règlement des contentieux sur le Brexit.

Mais la démission de M. Frost met aussi en lumière le malentendu politique fondamental sur lequel repose le Brexit. Le ministre justifie son départ par sa crainte de ne pas voir advenir le Royaume-Uni paradis fiscal, « libéré » des règles sociales et environnementales de l’UE, promis par M. Johnson. Or la majorité écrasante dont jouit ce dernier à Westminster repose sur son succès, aux élections de 2019, dans les circonscriptions défavorisées du nord de l’Angleterre où les électeurs des milieux populaires pro-Brexit attendent précisément l’inverse : des aides de l’Etat massives et sa protection.

Relations très dégradées

Le Covid-19 et son cortège d’interventions étatiques, la décision de M. Johnson d’augmenter les impôts à un niveau jamais vu depuis 1950 lui aliènent les ultralibéraux pour qui le Brexit devait transformer le pays en « Singapour », une zone dérégulée aux portes de l’UE. Or cette politique interventionniste, si elle correspond aux attentes de l’électorat populaire, répond aussi à la nécessité de soutenir l’économie ralentie sur le long terme par… le Brexit lui-même.

Tout se passe donc comme si le Brexit avait ouvert un conflit au long cours, non seulement entre le Royaume-Uni et ses voisins, mais à l’intérieur même du pays. Un hiatus que les pitreries de M. Johnson masquent de moins en moins. Or personne, parmi les populations de part et d’autre de la Manche, n’a intérêt à la prolongation de ces relations très dégradées. La priorité immédiate est de tout faire, dans la stricte défense de l’unité des Vingt-Sept et de la paix en Irlande, pour amener Londres à cesser d’instrumentaliser le conflit avec l’UE et tenter de reconstruire d’indispensables relations de confiance.

Le Monde

Source

L’article Boris Johnson piégé par ses contradictions sur le Brexit est apparu en premier sur zimo news.