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A Madrid, l’artiste dissident cubain Yunior Garcia peut à nouveau s’exprimer

L’artiste dissident cubain Yunior Garcia, à Madrid, en Espagne, le 30 novembre 2021. CESAR DEZFULI POUR « LE MONDE »

Interviews dans les médias internationaux, tribunes d’opinion dans la presse espagnole, et même une conférence conjointe, baptisée « Voix de la répression », avec l’opposant vénézuélien Leopoldo Lopez, lundi 13 décembre, à l’université Complutense de Madrid. Depuis son arrivée dans la capitale espagnole, le 17 novembre, le dissident cubain Yunior Garcia tente de donner du sens à son exil inattendu et controversé hors de l’île caribéenne, en élevant la voix contre les dérives du régime de Miguel Diaz-Canel.

Dramaturge reconnu de 39 ans, il est le fondateur de la plate-forme de débat civique Archipielago, qui prône une ouverture démocratique à Cuba et la libération des centaines de manifestants faits prisonniers le 11 juillet – quand des milliers de Cubains sont sortis dans les rues de l’île aux cris de « Nous avons faim » et « A bas la dictature ». Et s’il a quitté Cuba le 16 novembre, au lendemain de la Marche civique pour le changement, dont il était le promoteur et qui a été interdite par le régime, c’est parce qu’il a « craqué », assure-t-il, comme pour s’excuser. Assis dans un café d’une ville de la banlieue nord de Madrid où il a été hébergé deux semaines durant par des contacts de l’organisation lui ayant permis de sortir de l’île, il préfère n’en rien dire pour garantir la sécurité de ses membres.

« Une certaine culpabilité »

« Jamais je n’avais envisagé de prendre le chemin de l’exil… », ajoute-t-il. A Cuba, chez les opposants, son départ est vécu comme un abandon. Pis, une trahison. « Je ne peux éviter de ressentir une certaine culpabilité, mais je n’ai jamais voulu être un leader. Ce mouvement doit être porté par une multitude de personnes s’il veut prospérer », explique-t-il, avant d’ajouter : « Et à quoi aurais-je servi si j’étais resté là-bas, alors qu’on m’avait privé de ma seule arme : ma voix ? »

Originaire d’Holguin, à 700 km de La Havane, dans l’est de l’île, de parents qui « sont les Cubains typiques, qui ne se plaignent pas et te demandent de baisser la voix quand tu critiques la situation », lui n’a jamais su se taire. Marqué par le « printemps noir » de 2003, qui avait abouti à l’incarcération de 75 dissidents et à la condamnation à la peine de mort de trois jeunes qui avaient cherché à rejoindre les Etats-Unis en détournant un bateau de passagers, l’artiste n’a eu de cesse de distiller dans ses pièces de théâtre, couronnées de nombreux prix, une critique politique et sociale couverte de Cuba.

« A mes débuts, on me présentait comme un artiste confus. J’étais peut-être naïf mais je croyais que des réformes et un dialogue avec le régime était possible pour le faire évoluer », explique-t-il. Il y croyait encore le 27 novembre 2020 quand il a été reçu par le ministre de la culture avec une vingtaine d’autres artistes qui protestaient contre les arrestations menées contre des membres du mouvement San Isidro, un collectif culturel né contre un décret approuvé en 2018 qui censurait la création artistique. « Nous demandions le droit à la liberté de pensée et de s’exprimer… Mais la répression a continué », dit l’homme qui fut jeté dans la benne d’un camion à ordures durant les manifestations du 11 juillet. Il se trouvait alors, avec d’autres artistes, devant le siège de la télévision nationale et demandait « un droit de réplique » pour exprimer à l’antenne le malaise des jeunes. Conduit dans un centre de détention, il en est sorti le lendemain avec une assignation à domicile.

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