Publié le : 20/12/2021 – 11:54
En remportant dimanche la présidentielle au Chili, Gabriel Boric n’a pas seulement provoqué un bouleversement politique avec ses convictions de gauche. Il a également réussi, à seulement 35 ans, à surgir et s’imposer en marge des dirigeants traditionnels.
« L’espoir a battu la peur, merci ». Gabriel Boric a ainsi réagi sur Twitter, dimanche 19 octobre, à sa victoire dans la présidentielle chilienne. Le représentant de la coalition progressiste Apruebo Dignidad s’est imposé au deuxième tour avec 55,86 % des voix, soit 11 points d’avance sur son rival Jose Antonio Kast.
Le candidat d’extrême droite avait pourtant gagné le premier tour le 21 novembre, avec deux points d’avance, et semblait en passe de ravir la présidence du pays pour sa deuxième campagne présidentielle. Mais Gabriel Boric a réussi à mobiliser et à rassembler pendant les quatre semaines de l’entre-deux tours. Jamais depuis le retour de la démocratie au Chili en 1990, un candidat arrivé second au premier tour n’avait finalement réussi à s’imposer.
Âgé de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter, l’ex-leader d’un mouvement étudiant en 2011 n’était pas attendu dans le sprint final il y a quelques mois seulement. Il avait créé la surprise en juillet dernier en remportant la primaire de la gauche. Avec seulement deux mandats de députés à son actif, il devenait ainsi le chef de file de la coalition Apruebo Dignidad (« J’approuve la dignité ») née dans la continuité de la révolte sociale qui a secoué le pays fin 2019.
Au bout de deux mois, cette mobilisation de grande ampleur marquée par de nombreuses violences policières avait contraint le président Sebastian Pinera à accepter l’idée d’un référendum pour demander au peuple chilien s’il souhaitait une nouvelle Constitution, en se débarrassant ainsi de celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet. La réponse a été un grand « oui » et des élections ont ensuite permis de former une Assemblée constituante qui travaille actuellement sur le nouveau texte.
Le « tombeau du néo-libéralisme »
Gabriel Boric sera le garant et le défenseur de ce processus constitutionnel qu’il a porté de toutes ses forces. Il veut que le pays parvienne enfin à se débarrasser des vestiges politiques de la dictature et réalise un virage économique et social. Il souhaite un pays plus juste alors qu’il est actuellement le plus inégalitaire de l’OCDE.
« Il y aura plus de droits sociaux mais nous le ferons en restant fiscalement responsables », a déclaré dimanche Boric, devant une foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes venues l’écouter après sa large victoire.
C’est avec un projet d’État-providence, un changement d’ampleur dans le pays considéré comme le laboratoire du libéralisme en Amérique latine, que Boric a triomphé. « Si le Chili a été le berceau du néolibéralisme en Amérique latine, il sera aussi son tombeau », avait-il déclaré lors de sa proclamation de candidature.
Celui qui prendra ses fonctions le 11 mars 2022 veut notamment parvenir à réformer l’actuel système de retraites basé sur un système de capitalisation individuelle qui voit des fonds de pension réaliser d’énormes bénéfices. Mais il sait que la tâche ne sera pas simple, en raison du ralentissement économique que connaît le pays et de l’élection, le 21 novembre, d’un Parlement qui n’est pas entièrement acquis à sa cause.
Un député de Patagonie
Les discussions budgétaires à venir devrait permettre à Gabriel Boric de poursuivre un combat social amorcé voilà dix ans. En 2011, peu après avoir débuté son cursus universitaire à Santiago, il est devenu président de la Fédération des étudiants de l’université du Chili (FECH) et a accompagné un grand mouvement étudiant réclamant une réforme du système éducatif, essentiellement privé.
Boric venait alors de rejoindre la capitale chilienne. Il est originaire de l’extrême sud du Chili, de Punta Arenas, l’une des villes les plus australes du monde, considérée comme la porte de l’Antarctique, sur les rives des eaux glacées du détroit de Magellan.
En 2013, il a utilisé la maison familiale comme quartier général de campagne pour son premier combat législatif, rassemblant amis et bénévoles, et remporté l’année suivante le siège de député de la région de Magallanes, en se présentant alors en tant qu’indépendant. Quatre ans plus tard, il décrochait un nouveau mandat de député.
Dès son plus jeune âge, Gabriel Boric a eu un grand amour des livres et tissé aussi un lien très fort avec ses racines à Punta Arenas, la ville qui, au début du XXe siècle, a accueilli ses aïeux migrants, croates et catalans.
« Ca me détend de lire beaucoup », dit à l’AFP l’homme au bras tatoué d’un phare éclairant une île déserte, qui vit en couple avec une politologue, sans enfant. « Je viens du sud de la Patagonie, là où le monde commence, là où toutes les histoires et l’imagination se rejoignent, dans le détroit de Magellan, qui a inspiré tant de beaux romans ». Le récit de son ascension politique ne devrait également pas manquer d’inspirer quelques auteurs.
Avec AFP
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