Moins d’un dixième des 1 154 sites classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, les lieux ou biens qui, selon la définition officielle, possèdent une « valeur universelle exceptionnelle », sont en Afrique. Mais c’est un Camerounais qui veille, depuis le 6 décembre, sur ces trésors. Le symbole est fort. La nomination par la directrice de l’Unesco Audrey Azoulay de Lazare Eloundou Assomo, 53 ans, à la direction du Centre du patrimoine mondial de l’organisation onusienne n’est pas passée inaperçue.
« On ne trouve pas de Notre-Dame de Paris ou de tour Eiffel en Afrique. Il n’empêche : les forêts sacrées, les villages et quantité de paysages méritent d’être reconnus. » Lazare Eloundou Assomo
Il est le premier Africain nommé à ce poste, d’où la série de messages de félicitations venus de tout le continent africain, qui espère une reconnaissance de ses sites à l’égal des cathédrales de France ou de l’Acropole d’Athènes. Dans son bureau avec vue sur la tour Eiffel, où ses prédécesseurs étaient principalement occidentaux, cet homme pondéré mesure la dimension historique de sa nomination.
En juillet, le Gabon a certes pu faire classer le parc national d’Ivindo, trésor de biodiversité. Mais certains pays, comme le Sierra Leone et la Somalie, n’ont pas un seul site répertorié à l’Unesco. Or, le classement est capital, notamment pour les protéger des périls, la menace écologique s’étant ajoutée aux conflits et aux pillages.
La fragilité du patrimoine africain
Bien que l’Unesco ait été dirigée de 1974 à 1987 par le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow, le continent africain libéré des puissances coloniales a négligé son patrimoine immémorial. La lourdeur administrative des dossiers de candidature ainsi que les critères de classement, bâtis sur des biais occidentaux – la définition de ce qui relève du patrimoine n’est pas la même d’un continent à l’autre – ont longtemps joué en la défaveur des pays du Sud.
« On ne trouve pas de Notre-Dame de Paris ou de tour Eiffel en Afrique, et tous les pays n’ont pas l’équivalent des pyramides d’Egypte, indique Lazare Eloundou Assomo. Il n’empêche : les forêts sacrées, les villages et quantité de paysages méritent d’être reconnus. » Et le diplomate de s’interroger à haute voix : « Comment peut-on ensemble corriger la sous-représentativité africaine ? »
« Je sais porter une cravate quand il faut voir un président et partager, assis par terre, la nourriture des communautés locales. » Lazare Eloundou Assomo
L’homme est discret. Quasiment une règle dans le bâtiment de béton du 7e arrondissement parisien qui accueille l’Unesco. « Les gens ici n’aiment pas parler d’eux, c’est presque un cauchemar pour les communicants », reconnaît un cadre de l’institution. Mais Lazare Eloundou Assomo est connu pour sa finesse et sa capacité d’adaptation. « Je sais porter une cravate quand il faut voir un président, sourit l’intéressé avec humour, et partager, assis par terre, la nourriture des communautés locales. »
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