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« Les archives de la dictature brésilienne sont en danger ! »

Tribune. Le 19 novembre, le président de la République du Brésil, Jair Bolsonaro, a nommé à la tête des Archives nationales brésiliennes un parfait inconnu dans la profession. M. Ricardo Braga n’a en effet pour titre que celui de sous-secrétaire à la prévention de la criminalité auprès d’un gouverneur allié de Bolsonaro, après avoir été… propriétaire d’une compagnie privée de sécurité.

À la suite du Forum national des associations d’archivistique du Brésil et d’une soixantaine d’institutions académiques, des historiens brésiliens installés aux Etats-Unis viennent de lui envoyer une lettre ouverte contestant sa nomination. Il est presque étonnant que Bolsonaro, chef de l’Etat depuis le 1er janvier 2019, n’ait pas placé plus tôt un de ses hommes à la tête des archives !

En 2012, il s’était opposé à la « Commission nationale pour la vérité » créée par l’ex-présidente Dilma Rousseff, qui fut elle-même une victime de la dictature au cours de laquelle elle fut torturée et emprisonnée pendant trois ans. Ancien militaire, Bolsonaro ne s’est jamais privé de se moquer des historiens et citoyens qui travaillent dans les archives sur la dictature (1964-1985). Pour ce nostalgique de la période, il n’y a que « les chiens pour chercher des os »

Jamais à l’abri de restrictions arbitraires et indéfendables

Il ne fait aucun doute aujourd’hui que l’accès à ces archives, qui contiennent tous les dossiers des services de renseignements de la dictature militaire, va se trouver restreint, voire fermé. De quoi inquiéter les historiens, qui entrevoient le danger d’une réécriture de l’histoire conforme à l’idéologie du président. Leur tâche est d’autant plus compliquée que, d’une façon générale, la recherche et l’éducation ont connu des coupes budgétaires importantes sous l’administration Bolsonaro.

C’est le propre des dictatures, mais pas seulement : l’accès aux archives de la période contemporaine, celle dont il reste des acteurs et des témoins (et leurs descendants immédiats), n’est jamais à l’abri de restrictions arbitraires et indéfendables au plan juridique. Les juristes sont d’ailleurs souvent les premiers à déceler les irrégularités et les incohérences dans les lois qui promulguent l’accès aux archives, mais ce sont les historiens professionnels, les chercheurs indépendants et les journalistes, qui en font les frais.

Il suffit que l’honneur de la nation, l’image du pays soient en jeu, ou, pire, que des agissements d’hommes politiques encore influents puissent être révélés, pour que des pans entiers d’archives soient fermés ou reclassifiés. Au diable, le passé qui dérange ! En France, avec la bataille contre l’Instruction générale interministérielle (IGI) 1300, promulguée en 2011 concernant « la protection du secret de la défense nationale », qui s’est trouvé renforcée par le décret de 2019, nous venons d’assister à un processus semblable.

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