La première rencontre entre Emmanuel Macron et Assimi Goïta, le président de la transition du Mali, n’aura finalement pas lieu lundi, le chef de l’État français ayant annulé sa visite en raison de la pandémie de Covid-19. Une occasion manquée d’aborder de vive voix les nombreux dossiers sensibles qui opposent Paris et Bamako. Explications.
Une première rencontre avortée entre Emmanuel Macron et le colonel Assimi Goïta, président de la transition du Mali. Le chef de l’État français a annulé, vendredi 17 décembre, son voyage à Bamako prévu pour lundi, durant lequel il devait s’entretenir avec le dirigeant malien, arrivé au pouvoir à la faveur du coup d’État d’août 2020.
Si la raison officielle de cette annulation est la dégradation de la situation sanitaire en France, due à la pandémie de Covid-19, l’organisation de cette visite était une tâche difficile, dans un contexte de fortes tensions entre la France et le Mali, et alors qu’ont régulièrement lieu, à Bamako, des manifestations hostiles à la France.
Ces derniers mois, les divergences stratégiques liées à la lutte antiterroriste au Sahel ont tourné aux critiques ouvertes entre les deux pays. France 24 revient sur les dossiers sensibles sur lesquels s’opposent Paris et Bamako.
Insécurité : à qui la faute ?
Accueillie à bras ouverts en janvier 2013, l’armée française a réussi à repousser les forces jihadistes, parties du Nord pour s’emparer de la capitale malienne. Depuis, malgré la présence des troupes françaises de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel, la situation sécuritaire du pays s’est pourtant dégradée, notamment dans le centre, devenu le théâtre d’attaques terroristes à répétition.
Une situation qui nourrit le sentiment antifrançais à Bamako – où des manifestations sont régulièrement organisées pour demander le départ de la France –, mais également les critiques du gouvernement malien, prompt à souligner l’inexorable détérioration sécuritaire du pays malgré l’engagement français. De son côté, Paris juge que les autorités maliennes, censées capitaliser sur les avancées militaires pour restaurer l’autorité de l’État, ne jouent pas leur rôle.
Négocier ou pas avec les terroristes
Alors que des groupes liés à Al-Qaïda, ainsi qu’à l’organisation État islamique, gagnent du terrain au Mali, la stratégie à adopter vis-à-vis des jihadistes constitue l’un des points de divergence majeur entre Bamako et Paris.
Le gouvernement malien estime qu’il est de son devoir d’ouvrir le dialogue : « C’est une demande forte depuis plusieurs années du peuple malien qui dit que ceux qui sont avec les jihadistes sont des jeunes souvent désœuvrés, souvent endoctrinés (…). Discutons pour récupérer ceux qui sont récupérables », expliquait le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga à France 24, fin septembre.
La France, elle, rejette catégoriquement l’idée de négociations hors du cadre de l’accord d’Alger, conclu en 2015. « (Cet accord prévoit) un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats », précisait Emmanuel Macron, en novembre dernier, dans une interview à Jeune Afrique.
Le dossier Wagner
En septembre dernier, quelques mois après l’annonce par la France de la réduction de ses troupes au Mali, des rumeurs de négociations entre les autorités maliennes et le groupe paramilitaire Wagner sont relayées par la presse. La France lance une offensive diplomatique, affirmant qu’un partenariat entre le Mali et la milice russe, accusée par l’ONU d’exactions en Centrafrique, est « incompatible » avec le maintien d’une force française dans le pays.
Sans confirmer les rumeurs, Bamako met en avant la souveraineté de l’État, libre de nouer de nouvelles alliances sécuritaires dans le « souci de préserver son intégrité territoriale ». Pour le Mali, cette nécessité de trouver de nouveaux partenaires est avant tout dû au retrait des troupes françaises du nord du pays. Car l’annonce, le 10 juin, de la fin de l’opération Barkhane a été très mal perçue par les autorités maliennes.
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La polémique du redéploiement français
La présence française étant de plus en plus critiquée au Mali, Paris souhaite désormais se mettre en retrait au profit de la force européenne Takuba, et concentrer ses efforts militaires dans la zone « des trois frontières », dans le centre, considéré aujourd’hui comme le terrain d’action prioritaire. Un redéploiement que le Premier ministre Choguel Maïga a qualifié d’ »abandon en plein vol », le 25 septembre, devant l’assemblée générale de l’ONU.
Ce dernier fustige une décision « unilatérale », qu’il affirme avoir appris par voie de presse. Des propos jugés « indécents » par la ministre française des Armées, Florence Parly. « Quand on a 5 000 soldats et qu’on se désengage de trois emprises, et qu’on a l’intention d’en laisser encore plusieurs milliers, lorsqu’on déploie au Sahel des blindés dernier cri (…), ce n’est pas l’attitude normale d’un pays qui a l’intention de s’en aller », déclarait la ministre, deux jours plus tard.
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La transition démocratique
Soucieux d’éviter les critiques, le gouvernement français s’était d’abord montré discret sur le sujet de la transition démocratique au Mali, laissant le soin aux organisations régionales que sont la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine de négocier avec la junte. Mais les retards accumulés quant à l’organisation des élections, censées permettre le retour des civils au pouvoir, ont depuis contribué à la montée des tensions entre Bamako et Paris.
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Bien que le précédent gouvernement ait établi une date butoir de transition au 27 février 2022, la junte militaire refuse toujours de dévoiler un calendrier pour le scrutin, malgré l’insistance de la Cédéao. Dans ce contexte, les critiques ouvertes des autorités maliennes à l’égard de la France passent d’autant plus mal.
« Je sais que les Maliens ne pensent pas ça », déclarait Emmanuel Macron le 30 septembre dernier, réagissant aux accusations d’ »abandon » du Premier ministre malien. Le président français avait alors jugé « la légitimité du gouvernement actuel », issu de deux coups d’État depuis 2020, comme « démocratiquement nulle ».
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