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En Géorgie, « le pire musée du monde »

Par Faustine Vincent

Publié aujourd’hui à 17h00

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ReportageA Gori, ville natale de Staline, un musée tout à sa gloire porte son nom. Et trente ans après la chute de l’URSS, des statues du dictateur réapparaissent dans le pays sous l’influence russe.

A l’entrée du musée, les souvenirs à l’effigie de Staline s’étalent dans la boutique. Porte-clés, tasses, tee-shirts, sacs, stylos, bouteilles de vin… « Beaucoup de gens achètent pour faire des cadeaux surprises ou des blagues, explique la vendeuse en souriant. Les Français prennent souvent la bouteille de vin, mais ce sont les Russes qui achètent le plus. »

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A Gori, ville natale de Joseph Staline (1878-1953), en Géorgie, le dictateur soviétique est à la fois une gloire locale et une extraordinaire attraction touristique. Le musée qui porte son nom, ouvert en 1957, est le plus visité du pays. En 2019, avant l’épidémie de Covid-19, il a attiré plus de 175 000 visiteurs de tous horizons.

A gauche, la boutique du Musée Staline à Gori, en Géorgie. A droite, détail de la salle réservée à la présentation des cadeaux offerts à Joseph Staline par des délagtions étrangères. JULIEN PEBREL / MYOP POUR « LE MONDE » Une réplique du masque mortuaire de Joseph Staline au Musée Staline de Gori, en Géorgie, le 21 octobre 2021. JULIEN PEBREL / MYOP POUR « LE MONDE »

Dans le hall du bâtiment, planté de colonnes, un couple de Français observe l’imposante statue de Staline qui surplombe les escaliers. Aurélien, maître-nageur de 30 ans, et sa compagne Khésia, aide-soignante de 27 ans (qui n’ont pas souhaité donner leur nom de famille), sont venus « par curiosité », après avoir découvert que l’ancien dirigeant soviétique était né ici. Le jeune homme s’interroge : « Etait-ce une mauvaise chose, la dictature ? O.K., c’est terrible, on t’imposait un peu ce que tu devais faire, mais je vois plutôt le bon côté : les gens avaient à manger et du boulot. » Sa compagne hausse les épaules : « Moi, je ne m’intéresse pas à tout ça. »

Aucune explication

Derrière eux, l’une des guides, sanglée dans son manteau mauve, entame la visite et s’engouffre dans l’allée ornée de photographies, peintures, sculptures et tapisseries à l’effigie du Petit Père des peuples. Pendant une heure, Larissa Gazachvili, 60 ans, débite son discours, fébrile, en tentant d’esquiver les questions.

Voilà trente ans qu’elle travaille là et, pourtant, rien n’y fait : chaque visite est un cauchemar. « C’est le pire musée du monde ! Les gens ne sont jamais contents, confie-t-elle, le souffle court. Tous ceux qui viennent ici ont un avis différent sur Staline. Il y a parfois des néocommunistes, des néonazis, des descendants de victime… A chaque fois, les gens m’assaillent de questions. Je me fais aussi insulter ! » Larissa Gazachvili a vu des jeunes guides fondre en larmes tant ils étaient malmenés par leur public : « C’est de la torture de travailler avec des gens qui jouent sur tes nerfs et ne te laissent jamais répondre ! »

Larissa Gazachvili, 60 ans, guide francophone du Musée Staline de Gori, en Géorgie, le 21 octobre 2021. JULIEN PEBREL / MYOP POUR « LE MONDE »

Pour tenter de contenter le plus grand nombre, les guides s’adaptent. Avec des touristes venus des ex-Républiques soviétiques, le propos sera souvent flatteur envers Staline, mais restera neutre s’ils viennent d’Europe de l’Ouest ou des Etats-Unis. Moduler le discours est d’autant plus simple que le musée, resté figé à l’ère soviétique, ne comporte aucune explication. Les textes, indigents, se résument à des énumérations de lieux et de noms.

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