Après moult polémiques, un retard qui s’est compté en années et un budget qui s’est envolé, M+, l’immense musée d’arts visuels contemporains d’Hongkong, conçu et construit par les architectes suisses Herzog & de Meuron, a fini par ouvrir, mi-novembre. Quelque 76 000 personnes ont afflué le premier jour, soit plus d’1 % de la population locale. Et le musée, qui domine le front de mer avec son impressionnante tour revêtue de tuiles en terre cuite et son écran géant sur la façade sud, vient de comptabiliser 250 000 entrées en un mois.
Ce succès populaire est d’autant plus remarquable que la « ville internationale de l’Asie » (« Asia’s World City ») est totalement coupée du monde par la pandémie depuis plus d’un an, avec des conditions rédhibitoires de quarantaine imposées à tout arrivant. Résultat, les Hongkongais ont M+ pour eux tout seuls. Et ils l’apprécient. Même en semaine, des colonnes de visiteurs plutôt jeunes se pressent, en rangs serrés, à l’entrée du musée. Le nouvel établissement a dû imposer une réservation en ligne, et c’est exclusivement par la présentation d’un QR code reçu sur son portable qu’on peut pénétrer dans l’immense hall, qui a des petits airs d’aéroport moderne avec ses grands escalators, ses terrasses ouvertes, ses étages en mezzanine et sa vue sur la baie d’Hongkong.
« Jusqu’à présent, il fallait prendre l’avion pour voir des œuvres pareilles », constate Nina Lam, une fonctionnaire retraitée, enthousiaste au soir de sa deuxième visite, d’une journée entière. Elle ne s’attendait pas à être prise par cette sensation d’ivresse qu’offre l’abondance des collections. Avec 65 000 m2 d’exposition et environ 8 000 œuvres, M+ avait, dès sa conception, l’ambition de s’imposer parmi les plus grands musées du monde. L’établissement voulait être le musée d’art contemporain de référence en Asie, avec un centrage asiatique des œuvres et des artistes exposés et un balayage de tous les arts visuels : peintures, installations, sculptures, photographies, vidéos, mais aussi architecture, design etc. L’exceptionnelle donation, en 2012, par le collectionneur suisse Uli Sigg, de près de 1 500 œuvres de 350 artistes chinois contemporains a donné à M + une énorme crédibilité.
L’art de la critique
Il faut dire que le musée arrive à un étrange moment de l’histoire de la petite région administrative spéciale de Chine. L’époque a radicalement changé non seulement depuis la conception du projet, en 1996, mais aussi depuis la nomination, il y a seulement cinq ans, de l’actuelle directrice du musée, l’Australienne d’origine sri-lankaise Suhanya Raffel. Hongkong vit en effet le resserrement sécuritaire le plus virulent de son histoire. L’entrée en vigueur, il y a dix-huit mois, d’une loi sur la sécurité nationale, qui se place au-dessus de toutes les lois locales garantissant les libertés fondamentales, notamment d’expression, est un défi pour tous les citoyens, et en particulier les artistes. Avec une question lancinante : M+ va-t-il disposer de la liberté indispensable à l’épanouissement d’un vrai projet culturel ?
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