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Roberta Metsola, élue anti-IVG pressentie à la présidence du Parlement européen

Publié le : 17/12/2021 – 18:24

En l’absence de concurrent de taille, la Maltaise Roberta Metsola, est favorite pour succéder à l’Italien David Sassoli à la tête du Parlement européen en janvier. Mais sa probable nomination révulse une partie des députés qui dénoncent ses positions conservatrices sur l’avortement.

C’est le même ballet tous les deux ans et demi. Dans l’hémicycle européen, les tractations vont bon train pour redistribuer les postes de vice-président, présidents de commission, questeurs et président du Parlement. En règle générale, l’élection se déroule sans accrochages, chaque parti tentant de préserver sa part du gâteau dans le jeu politique européen. 

Mais cette fois, une polémique enfle depuis plusieurs jours. En cause, la probable nomination de Roberta Metsola au perchoir de Strasbourg, une élue maltaise de 42 ans, membre du Parti populaire européen (PPE), la droite du Parlement. Sa particularité : voter contre toutes les résolutions qui défendent le droit à l’avortement et à la contraception. En septembre, elle s’est même abstenue de voter un texte pour criminaliser les violences faites aux femmes dans l’Union européenne.

À Malte, les opinions de celle qui se présente sur les réseaux sociaux comme « une maman » avant d’être « la vice-présidente du Parlement européen », n’ont rien d’étonnant. Avec Andorre, l’île fait partie des derniers pays de l’Union où l’IVG est illégale même en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère. 

De son côté, la députée issue des rangs du Parti nationaliste s’est voulue rassurante et a promis de ne pas prendre position sur le sujet en cas de victoire. Dans tous les cas, le droit à l’avortement ne relève pas des compétences européennes.

« Le poste de président du Parlement est très prestigieux mais ne compte pas beaucoup dans le pouvoir européen », rappelle le politologue Ernst Stetter, ancien secrétaire général de la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS), joint par France 24. « Je ne vois donc pas de crise se dessiner à cause de cela au sein de l’UE ».

La mémoire de Simone Veil

Reste que cette nomination fait grincer des dents à gauche et embarrasse à l’Élysée alors que doit débuter la présidence française de l’Union européenne. 

Interrogé sur le sujet le 9 décembre dernier, Emmanuel Macron affirme que « c’est aux parlementaires européens de choisir leur président ou leur présidente. J’espère qu’ils le feront avec l’esprit de cohérence et en fidélité avec les combats qui sont les leurs ».

>> À voir : L’Europe face au recul du droit à l’avortement

Pour une assemblée européenne qui critique durement depuis des mois les atteintes aux droits des femmes en Pologne, cet « esprit de cohérence » pourrait en prendre un coup en cas de victoire de Roberta Metsola. Quarante-deux ans après l’élection de Simone Veil à la tête du Parlement européen, les députés progressistes craignent l’envoi d’un très mauvais signal.

« Eurodéputé écologiste, je ne voterai pas pour une représentante du PPE, situé à l’opposé de mes combats politiques sur le climat, le green-deal, les migrations, la démocratie et l’IVG. Il ne peut y avoir de négociations », a notamment tweeté le député écologiste Damien Carême.

Contactée par France 24, l’eurodéputée insoumise Manon Aubry, assure qu’il s’agirait « d’un signal désastreux 42 ans après Simone Veil et alors que plusieurs États membres s’attaquent à l’IVG et que des milliers de polonaises défilent dans les rues depuis plus d’un an pour défendre le droit à disposer de leurs corps ».

Calculs politiques

Cependant, Roberta Metsola est loin d’être aussi clivante qu’il n’y paraît. Proche de l’aile progressiste du PPE, la députée a défendu avec constance les droits des personnes LGBT + et ses positions sur l’accueil des migrants sont loin d’être aussi radicales que celles de certains de ses collègues conservateurs. 

En pointe dans la lutte contre la corruption, elle a appelé en décembre 2019 à la démission du Premier ministre maltais, après l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia. Par ailleurs, Roberta Metsola jouit d’une excellente réputation au sein du Parlement. Élue depuis 2013, elle connaît parfaitement les arcanes de la politique européenne. 

« C’est une travailleuse qui a des frontières relativement claires avec l’extrême droite, ce qui n’est pas toujours le cas dans sa famille politique », reconnaît Manon Aubry.

En cas de victoire, elle deviendrait également la plus jeune présidente de l’institution. « Nous avons une candidate convaincante, jeune, femme, originaire d’un petit pays » de l’UE, a plaidé le président du groupe PPE, l’Allemand Manfred Weber, un temps pressenti pour le poste.

Tous ces gages semblent en tout cas suffire au groupe des socialistes et démocrates (S&D) et leurs alliés verts et centristes, la deuxième force politique du Parlement, qui a décidé mardi de ne pas présenter de candidat ouvrant une voie royale à la Maltaise.

« Les ​sociaux-démocrates veulent conserver la règle tacite selon laquelle le poste de président est partagé à tour de rôle avec le PPE », analyse Ernst Stetter selon qui, les calculs politiques et la recherche d’un consensus devraient l’emporter sur la cohérence des valeurs. « C’est souvent comme ça que cela se passe dans l’UE. Même si c’est dommageable pour l’image du Parlement », glisse le politologue.

>> À voir le Débat de France 24 : Avec la visite d’Emmanuel Macron en Hongrie, progressistes vs nationalistes dans l’UE ?

« L’ère politique dans laquelle les socialistes et le PPE avaient la majorité au Parlement est terminée. Il est temps de mettre fin à ces accords de couloirs », estime pour sa part Manon Aubry. Dans ces conditions, il ne faudra pas s’étonner que les citoyens continuent de s’éloigner des institutions européennes ».

L’élection aura lieu à bulletins secrets lors de la prochaine session plénière, prévue le 18 janvier 2022.

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