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« Le président français dispose d’une souplesse d’emploi de l’armée sans pareille »

Tribune. Récemment, à deux reprises, le président de la République a réagi spontanément à des menaces sécuritaires par le biais de la force armée : en envoyant deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la marine nationale en Méditerranée orientale au mois d’août 2020 à la suite de l’exploration inopinée d’un navire turc, et en déployant 4 000 soldats supplémentaires sur le territoire national après l’attentat de Nice, si bien qu’il paraît naturel que le chef de l’Etat dispose de l’outil militaire au gré des circonstances. Si l’impératif de la défense nationale l’exige, les constitutionnalistes ne devraient toutefois pas rester apathiques face à cette prérogative.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, toutes les opérations militaires françaises, qu’elles soient extérieures ou intérieures, sont conduites sans déclaration de guerre. Scabreuse, politiquement néfaste et porteuse de conséquences juridiques lourdes, la notion de guerre a été unanimement bannie du champ lexical des interventions armées. A rebours de la loyale frontière entre la guerre et la paix, notre siècle connaît un état ambigu de crises successives et de protection militaire permanente, qui confère singulièrement au chef des armées français une souplesse d’emploi de l’armée sans nulle autre pareille.

Autorisation « ad vitam aeternam »

Sans guerre déclarée, et sans état de siège décrété, l’armée peut être librement mobilisée à l’intérieur du territoire par le simple biais d’une réquisition légale, qui constitue d’ailleurs la base juridique de l’opération « Sentinelle » tout entière depuis 2015. Néanmoins, bien que cette opération passe pour une banale mission de service public, les militaires, durablement réquisitionnés, peuvent tout à fait être appelés à développer sérieusement une opération de guerre sur le territoire sans état de siège – ce que prévoit l’article L. 1321-2 du code de la défense. Dans ce cas, il est hautement probable que la décision politique de déployer les troupes ne devienne insusceptible de recours au regard de la jurisprudence administrative des actes de guerre.

A l’extérieur du territoire non plus, le chef des armées n’a guère les mains liées. Certes, la loi constitutionnelle du 23 janvier 2008 a généreusement octroyé au Parlement le droit de discuter de l’opportunité de l’opération, mais, précise le nouvel article 35 de la Constitution, ce débat « n’est suivi d’aucun vote ». Par ailleurs, l’autorisation du Parlement de poursuivre les opérations après quatre mois n’est pas une condition sérieusement contraignante : non seulement celle-ci vaut ad vitam aeternam, mais l’article 35 ajoute en outre qu’en cas de désaccord entre les deux Chambres le Sénat peut se voir refuser le dernier mot au profit de l’Assemblée nationale, tenue a priori par la majorité. Quant au juge, celui-ci reste fidèle au principe selon lequel l’envoi de troupes à l’étranger est par nature insusceptible de recours.

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