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Manifestation à Alger, le 21 février 2021, de la trosième vague du Hirak, mouvement pro-démocratie que la crise du Covid avait stoppé en 2020. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Visage efflanqué et haut du corps flottant dans une veste de jogging : la photo montrant le militant Mohamed Bilal Menadi à sa sortie de prison, le 5 décembre, a choqué de nombreux internautes algériens. « Avant et après deux ans de prison », ont commenté certains en partageant sur les réseaux sociaux un autre cliché du jeune homme pris avant sa détention et sur lequel on le voit tiré à quatre épingles et le teint éclatant.
Originaire de Mostaganem, dans l’ouest de l’Algérie, Mohamed Bilal Menadi, 34 ans, a purgé une peine de deux ans ferme pour « atteinte à l’unité nationale ». Il avait été arrêté chez lui, le 1er décembre 2019, pour avoir participé à des manifestations et critiqué, sur Facebook, l’élection présidentielle prévue à ce moment-là.
Sa libération, après une détention marquée par plusieurs grèves de la faim, a jeté une lumière crue sur le sort réservé aux militants du Hirak, le mouvement pro-démocratie né en février 2019, toujours en détention.
Selon un décompte réalisé par des militants eux-mêmes, il y aurait au moins 280 personnes incarcérées à travers le pays après avoir exprimé des opinions critiques envers le régime, avoir manifesté ou milité.
« Dormir à tour de rôle »
Parmi les avocats qui se sont mobilisés pour les défendre, on pointe de nombreuses atteintes aux droits de la défense. « La majorité de ces détenus n’appartiennent ni au MAK ni à Rachad [Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie et mouvement islamo-conservateur, tous deux classés comme organisations terroristes par les autorités en mai 2021]. Ce sont de simples citoyens qu’ils veulent faire passer pour des terroristes », dénonce Me Meriem Chekirine.
L’avocate, qui gère les dossiers d’une dizaine d’entre eux emprisonnés à Alger, Blida ou encore Koléa, raconte les difficultés rencontrées pour retrouver des détenus transférés vers d’autres wilaya (régions) sans que les proches n’en soient informés et dit enchaîner « les rapports » aux autorités pour dénoncer les mauvaises conditions de détention. « Un détenu est venu me voir vêtu de tous ses vêtements tellement il faisait froid. Il avait des claquettes aux pieds alors que le sol était inondé », s’indigne-t-elle.
Les familles tentent régulièrement de rompre le silence qui entoure la détention de leurs proches. Plusieurs dizaines d’entre elles se sont réunies, début décembre, au siège du Mouvement démocratique et social (MDS), à Alger. « Une salle faite pour quarante personnes en contient le double. Ils n’ont pas de matelas et doivent dormir à tour de rôle », a témoigné la femme d’un détenu. En été, les prisonniers manquent d’eau ; en hiver, ils n’ont pas de chauffage.
« Nous sommes obligés de patienter pendant des heures pour les voir et de faire attention à ce que nous disons », raconte le chanteur Hamid Medjahed, évoquant la lenteur des procédures judiciaires. « Cela fait plusieurs mois qu’ils sont en prison sans procès », fustige-t-il. Son fils, Chafik, a été placé sous mandat de dépôt le 11 mai après une manifestation et n’a toujours pas été jugé. Pour protester contre sa détention, le jeune homme s’est mis en grève de la faim pendant plusieurs semaines et a dû être hospitalisé à deux reprises.
« Trahison »
Fethi Ghares, coordinateur du MDS, parti d’opposition agréé par les autorités, est lui-même emprisonné depuis son interpellation le 30 juin. Poursuivi, entre autres, pour « atteinte à la personne du président de la République » et « diffusion de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national », l’homme politique attend toujours son procès, prévu initialement le 5 décembre mais déjà reporté à deux reprises.
Les familles espéraient bénéficier des mesures de clémence traditionnellement annoncées lors de la fête nationale, le 1er novembre, mais il n’en a rien été. Aucun des détenus n’a été concerné par la grâce présidentielle. En août, le président Abdelmadjid Tebboune avait balayé le sujet d’un revers de la main en déclarant lors d’un entretien diffusé sur la télévision publique qu’il n’y a « pas de détenus d’opinion dans notre pays ».
Ce samedi 4 décembre, au siège du MDS, les familles ont déposé une grande urne transparente dans la salle de réunion sur laquelle on pouvait lire la mention « Lettres aux détenus ». Des feuilles blanches et des enveloppes ont été mises à disposition. « Ce dont ils ont le plus peur, c’est d’être oubliés. Ils le vivraient comme une trahison », s’est émue une proche de détenu.
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