Bruxelles a autorisé sous conditions mardi le français Veolia à absorber son rival historique Suez, une opération à 13 milliards d’euros scellée au printemps après des mois de bataille épique entre les deux géants de l’eau et des déchets.
Pour obtenir le feu vert de la Commission européenne, qui veille sur la concurrence dans l’Union européenne, Veolia, numéro un mondial sur ses métiers, a dû s’engager comme prévu à céder notamment l’essentiel des activités de Suez en France.
La clôture de l’offre publique d’achat (OPA) interviendra le 7 janvier 2022, a indiqué de son côté l’Autorité des marchés financiers (AMF) à Paris.
Elle devrait être effectivement réalisée au 18 janvier et permettra au groupe de reprendre environ 60% des activités de son concurrent.
Le reste des actifs, en vertu d’un accord de « cessez-le-feu » trouvé ce printemps entre les deux frères ennemis, sera dans la foulée cédé à un consortium d’actionnaires, pour créer un « nouveau Suez », indépendant, bien qu’amoindri.
L’aval de Bruxelles était l’unique condition suspensive incluse dans l’OPA de Veolia.
Pour l’emporter, l’ex-Générale des Eaux devra vendre « la quasi-totalité » des activités de Suez dans la gestion des déchets et de l’eau municipale en France, confirme la Commission.
C’est cette cession qui doit donner lieu à la création du nouveau groupe Suez, recentré essentiellement sur l’eau et sur la France. Il comptera environ 40.000 salariés pour près de 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il gardera aussi des actifs notamment en Afrique (Maroc, Sénégal), Inde, Chine, Pologne.
Détenu par un consortium composé des fonds français Meridiam et américain GIP, à 39% chacun, aux côtés de la Caisse des dépôts/CNP Assurances, il sera retiré de la Bourse de Paris.
– Nouvelles cessions –
Mais la Commission a aussi demandé à Veolia de nouveaux engagements: la cession de « la quasi-totalité » de ses activités dans les services mobiles de l’eau dans l’Espace économique européen, « la très grande majorité » des activités de Veolia dans l’eau industrielle en France et « une partie » des activités des deux entreprises dans le traitement des déchets dangereux, a précisé l’exécutif européen mardi, au terme de plusieurs mois d’échanges avec les parties.
« Le groupe a consenti quelques remèdes additionnels », confirme Veolia dans un communiqué.
Le PDG de Veolia Antoine Frérot à Paris, le 27 août 2020 (AFP/Archives – ERIC PIERMONT)
Ces nouvelles cessions demandées « représentent un chiffre d’affaires de 325 millions d’euros », soit « au final moins de 1% du chiffre d’affaires de Veolia », a tempéré le PDG de Veolia Antoine Frérot dans un entretien aux Echos.
Le groupe va en revanche absorber une large part des activités de Suez à l’international: son chiffre d’affaires augmentera de 50% en Amérique du Nord, doublera en Amérique latine, sera « significativement » accru au Royaume-Uni et en Espagne. Il verra ses effectifs passer de 180.000 à 230.000 salariés et son chiffre d’affaires de 27 à 37 milliards d’euros.
Il confortera ainsi sa position de numéro un mondial du secteur, même s’il n’en représentera toujours qu’environ 5%, dans un paysage mondial éclaté.
– « Une question de semaines » –
Veolia, qui détient actuellement 29,9% du capital de Suez (acquis en octobre 2020 auprès de l’énergéticien français Engie), avait lancé le 29 juillet 2021 une offre publique d’achat sur les 70,1% restant.
Suez a longtemps bataillé pour éviter cette issue. Mais, après huit mois d’un bras de fer financier, politique, judiciaire et médiatique entre les deux groupes rivaux depuis 150 ans, il avait dû se résoudre au rachat, en avril 2021, au terme d’une médiation.
Le prix d’acquisition avait été alors relevé à 20,50 euros par action, valorisant la cible à quelque 13 milliards d’euros.
Avec le feu vert de Bruxelles, Veolia a déjà obtenu l’aval de 15 autorités de la concurrence sur les 18 saisies du dossier. Le groupe attend encore l’autorisation des autorités du Royaume-Uni, du Chili et de l’Australie, mais seule la décision de la Commission européenne était susceptible de bloquer l’OPA.
« Cette étape ouvre la dernière phase du rapprochement qui n’est plus qu’une question de quelques semaines », a réagi mardi Antoine Frérot.
« Je tiens à ce qu’elle se fasse dans les meilleures conditions pour l’ensemble de nos parties prenantes, et je veillerai à ce que l’ensemble de nos engagements sociaux soient respectés tout au long de ce processus », a-t-il ajouté.
Le groupe d’Antoine Frérot, qui réalise là une acquisition déjà tentée en 2006 puis 2012, a promis le maintien de l’emploi pour quatre ans. Le consortium à la tête du « nouveau Suez » s’est engagé sur cinq ans.
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