Un Russe a été condamné, mercredi 15 décembre, à Berlin à la réclusion à perpétuité pour le meurtre d’un opposant tchétchène sur ordre présumé de Moscou, dans un contexte de tensions diplomatiques entre l’Allemagne et la Russie.
La Cour de Berlin, qui le jugeait depuis octobre 2020, a reconnu cet homme, désigné sous le nom de Vadim Krasikov, coupable d’avoir abattu de trois balles un Géorgien issu de la minorité tchétchène, dans un parc de la capitale allemande, le 23 août 2019. Les juges l’ont également privé de la possibilité de demander une libération conditionnelle au bout de quinze ans.
Cette affaire a empoisonné les relations, déjà tendues, entre l’Allemagne et la Russie. Moscou a toujours nié toute implication, mais la justice allemande a clairement désigné les autorités russes. « L’accusé a été commandant d’une unité spéciale des services secrets russes FSB », a affirmé le procureur Lars Malkies lors de son réquisitoire, le 7 décembre. « Il a liquidé un opposant politique par représailles », a-t-il ajouté, évoquant « un attentat à l’évidence préparé de longue date » et exécuté « de sang froid ».
Le Kremlin a toujours nié
Ancien dirigeant séparatiste tchétchène, le Géorgien Tornike Kavtarachvili, 40 ans, avait combattu contre les forces russes entre 2000 et 2004. Il vivait depuis 2016, avec sa famille, en Allemagne où il avait demandé l’asile.
Les faits se sont déroulés à l’heure du déjeuner : le meurtrier, se déplaçant à vélo, s’était approché par-derrière de sa victime et avait tiré deux fois, utilisant un silencieux, avant de l’achever par une balle dans la tête, à bout portant, selon le procureur. Il avait été interpellé peu après les faits près des lieux du forfait, un prolongement du grand parc de Tiergarten.
Durant tout son procès, l’accusé a réfuté l’identité que lui prête le parquet, disant ne « connaître personne » répondant au nom de Krasikov. Par la voix de son avocat, Robert Unger, il a affirmé s’appeler Vadim Sokolov, être « Russe, célibataire et ingénieur en construction », âgé de 50 ans.
Durant le procès, plusieurs indices sont venus renforcer la conviction du parquet quant à l’identité de l’accusé, par exemple une photo privée de Krasikov montrant deux tatouages identiques à ceux du suspect.
Si le Kremlin a toujours nié se trouver derrière cet assassinat, le président Vladimir Poutine avait qualifié la victime de « combattant très cruel et sanguinaire ». Il a assuré avoir demandé son extradition, ce que Berlin a démenti.
A la fin de 2019, l’Allemagne a expulsé deux diplomates russes pour protester contre leur manque de coopération, mesure à laquelle Moscou a répliqué en renvoyant à son tour deux diplomates allemands.
Tensions diplomatiques
Ce meurtre, l’empoisonnement de l’opposant au Kremlin Alexei Navalny, soigné pendant l’été 2020 dans la capitale allemande avant son emprisonnement en Russie, tout comme celui de l’ex-espion russe Sergueï Skripal au Royaume-Uni en 2018 ont fait peser de lourdes suspicions quant au rôle des services de sécurité russes dans des opérations violentes.
Mais l’implication de Moscou n’a jusqu’ici jamais été prouvée dans ces dossiers, et le Kremlin a toujours systématiquement nié la moindre responsabilité. Ces affaires se sont ajoutées à une série de tensions diplomatiques entre Berlin et Moscou, depuis la cyberattaque du Bundestag en 2015, attribuée à la Russie.
Deux semaines avant les élections législatives allemandes du 26 septembre, la justice a, par ailleurs, ouvert une enquête pour cyberespionnage de députés, dont Berlin soupçonne le Kremlin d’être à l’origine.
Divergences en matière de géopolitique
A cela s’ajoute de nombreuses divergences sur le plan géopolitique, comme la situation en Syrie, l’annexion de la Crimée et le conflit armé dans l’est de l’Ukraine. Pragmatique, l’ancienne chancelière, Angela Merkel, avait toutefois veillé à ne pas rompre le dialogue avec Moscou, partenaire économique important.
Les premières déclarations de son successeur, Olaf Scholz, sont ainsi particulièrement scrutées. Depuis son arrivée à la chancellerie, la semaine dernière, le dirigeant social-démocrate a averti que Moscou s’exposerait à des « conséquences » en cas d’escalade en Ukraine.
Sa ministre des affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, a précisé la nature des menaces, en affirmant que le nouveau gazoduc germano-russe controversé Nord Stream 2 ne serait pas autorisé à fonctionner si les tensions avec Kiev devaient s’aggraver. Washington, les Européens et Kiev accusent, depuis quelques semaines, Moscou de préparer l’invasion de l’Ukraine, ce que le Kremlin dément.
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