A la fin de novembre, il assurait « préparer la sortie » de l’état d’exception. Trois semaines plus tard, le président tunisien, Kaïs Saïed, a annoncé qu’il prolongeait la suspension du Parlement jusqu’à la tenue de nouvelles élections législatives, en décembre 2022.
Dans un discours à la nation, lundi 13 décembre, M. Saïed a aussi annoncé l’organisation, à partir du 1er janvier, d’une série de « consultations » populaires portant notamment sur des amendements constitutionnels et électoraux. « Le Parlement restera suspendu jusqu’à l’organisation de nouvelles élections », a déclaré M. Saïed, ce qui revient de facto à dissoudre la Chambre actuelle – qu’il avait gelée en s’arrogeant les pleins pouvoirs, le 25 juillet. « De nouvelles élections législatives auront lieu le 17 décembre 2022 sur la base d’une nouvelle loi électorale », a-t-il ajouté.
Cette nouvelle loi, ainsi que des amendements constitutionnels, sera élaborée dans le cadre de consultations populaires qui auront lieu « à partir du 1er janvier jusqu’au 20 mars ». « Les réformes constitutionnelles et autres seront soumis à référendum le 25 juillet 2022, jour anniversaire de la proclamation de la République », a-t-il ajouté.
En pleine crise socio-économique et sanitaire et après des mois de blocage politique, M. Saïed, élu au suffrage universel à la fin de 2019, a invoqué le 25 juillet un « péril imminent » pour limoger le premier ministre, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire.
En suspendant le Parlement, M. Saïed a effectivement écarté du pouvoir le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, principale force parlementaire et pilier des coalitions gouvernementales successives depuis la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali, renversé en 2011.
Après deux mois d’incertitudes, il a promulgué, le 22 septembre, un décret qui officialise la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaure des « mesures exceptionnelles », censées être provisoires, le temps de mener des « réformes politiques », dont des amendements à la Constitution de 2014. En octobre, il a nommé une universitaire sans expérience politique, Najla Bouden, à la tête d’un nouveau gouvernement disposant de prérogatives considérablement réduites.
Changer de Constitution
Le président répète à l’envi que la Constitution actuelle, qui a instauré en 2014 un système hybride plutôt parlementaire, est dysfonctionnelle. « Si le peuple ne peut plus exercer sa souveraineté car le texte [la Constitution] ne le lui permet plus, il faut élaborer un nouveau texte. Les Constitutions ne sont pas éternelles », a-t-il affirmé en présidant le conseil des ministres, peu avant son discours.
Invoquant un rapport de la Cour des comptes qui accuse Ennahdha et d’autres partis d’avoir perçu des financements étrangers, M. Saïed a affirmé devant ses ministres que « ceux qui [avaient] reçu et continu[aient] de recevoir de l’argent de l’étranger n’[avaient] pas leur place au Parlement », faisant planer la menace de dissoudre la Chambre. « Ils ont reçu des millions de dollars et d’euros de l’étranger lors des précédentes élections [en 2019] », a-t-il renchéri.
Après le coup de force du président en juillet, des organisations tunisiennes et internationales ont critiqué un « accaparement du pouvoir » et fait part de leurs craintes pour les droits et les libertés publiques dans le berceau du « printemps arabe ». Ses détracteurs l’ont accusé d’avoir mené un « coup d’Etat ».
« De quel coup d’Etat parlent-ils ? Ils parlent aussi du pouvoir d’un seul homme et d’atteinte aux libertés, mais qui a été arrêté ou poursuivi pour avoir exprimé ses opinions ou pour avoir manifesté », s’est-il défendu dans son discours. « Il n’y aura jamais de retour en arrière », a-t-il affirmé. « Ceux qui veulent nous ramener en arrière doivent savoir que le peuple et l’histoire les ont rejetés. »
Quelques jours avant ce discours, les ambassadeurs des pays membres du groupe des Sept (G7) et de l’Union européenne (UE) en Tunisie avaient appelé à un retour « rapide » aux institutions démocratiques dans le pays.
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