LETTRE DE WASHINGTON
L’ancien président américain Donald Trump, à Washington, le 24 novembre 2020. MANDEL NGAN / AFP
Il m’a tout de suite interpellé par mon prénom. « Piotr, assez de ces règles tyranniques ! L’obligation de vaccination liberticide de Biden est une menace pour notre sécurité nationale. » C’était le 27 octobre. Donald Trump Jr., fils de l’ancien président, m’écrivait pour que je signe une pétition. Je venais de m’enregistrer, sous mon adresse professionnelle, à une liste de diffusion pour être tenu informé de l’actualité de l’ancien dirigeant, qui continue à dominer le Parti républicain, malgré sa défaite à l’élection présidentielle. Pensant rejoindre un groupe de journalistes, je me retrouvais, par inadvertance, parmi les sympathisants de Donald Trump.
Ce simple clic a entraîné une avalanche de courriels, 66 exactement au 9 décembre, sans compter la trentaine d’autres récapitulant ses communiqués officiels sur les sujets d’actualité. Ce courant continu donne une idée précise des ressorts utilisés par l’équipe Trump pour entretenir un lien étroit avec la base militante, de ses préoccupations mercantiles, de ses obsessions thématiques. Il s’agit de créer une sorte de cercle participatif, d’aventure identitaire commune, autour d’objets et de slogans de reconnaissance, en y appliquant les outils d’incitation de la vente en ligne. Il y a toujours un sablier qui s’écoule.
« Les Fake News Media, travaillant en liaison étroite avec la Big Tech et ses partenaires, les démocrates, veulent te FAIRE TAIRE »
Le lendemain de ce premier envoi, j’étais rappelé à l’ordre. Toujours pas de réaction à un appel écrit de l’ancien président en personne. « La gauche travaille en heures supplémentaires pour te CONTRÔLER, Piotr. » On me demande de participer à un « focus group » – méthode d’enquête qualitative – dans la circonscription où je réside. Plus tard, on requiert mon avis sur la ville où Donald Trump devrait tenir son prochain meeting. « Je passerai en revue TOUTES LES RÉPONSES dans UNE HEURE. Verrai-je la tienne ? » s’enquiert l’ancien président. Le 5 novembre, on sollicite à nouveau mon avis. Cette fois, une grande consultation est lancée. « Les Fake News Media, travaillant en liaison étroite avec la Big Tech et ses partenaires, les démocrates, veulent te FAIRE TAIRE. » Sondage. Les grandes corporations de la tech devraient-elles être tenues pour responsables de cela, oui ou non ? Cette question fait l’objet de plusieurs relances, au cours des jours suivants. Le sujet tient à cœur.
Pour la fête de Thanksgiving, on me propose de participer aux vœux à l’intention de Donald Trump. Son fils y revient à deux fois. « TU as toujours été là pour nous lorsque nous avions le plus besoin de toi, c’est pourquoi je te donne un accès prioritaire pour devenir le premier Patriote à signer la CARTE OFFICIELLE DE THANKSGIVING DE TRUMP. » Un autre jour, on me consulte pour déterminer la meilleure couverture pour le calendrier officiel de Donald Trump, version 2022. Le choix est difficile entre quatre photos de l’ancien président avec sa cravate rouge habituelle. Quelques jours plus tard, nouveau courriel. Ça y est. Le calendrier est disponible, à partir de 45 dollars (40 euros). Attention, les stocks sont limités.
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