C’est jour de vote en Palestine, mais qui le sait et qui s’en soucie ? A Abou Dis, une banlieue de Jérusalem juchée derrière le mont des Oliviers, à l’ombre du mur israélien qui sépare les territoires occupés de la Ville sainte, pas une affiche électorale n’égaye les rues. Pour les élections municipales, samedi 11 décembre, la commission électorale n’a pas daigné envoyer des urnes à cette petite ville de 25 000 habitants. A quoi bon ?
Les factions politiques et les principaux clans tribaux d’Abou Dis se sont entendus à l’avance. Ils présentent une liste unique. Vainqueurs d’office. Le Hamas n’y figure pas : le mouvement islamiste boycotte ce scrutin, le premier depuis 2017, en Cisjordanie comme dans son fief de Gaza, où les élections n’ont tout simplement pas lieu. Le maire d’Abou Dis, Ahmad Abou Hilal, observe cela avec dépit. Il a jeté l’éponge : il ne se représente pas cette année. « L’Autorité palestinienne [AP] a besoin d’une élection, n’importe laquelle. Faire voter les villages, c’est le plus facile pour elle, mais personne ici n’en veut. »
M. Abou Hilal, un entrepreneur du bâtiment placide et apolitique, est le fils d’un chef de clan qui a régné sur les affaires de la ville de 1967, date de la conquête israélienne des territoires, jusqu’en 2000. Il estime que l’AP fait « tout à l’envers. Ils auraient dû d’abord se réconcilier avec le Hamas et puis élire un Parlement ».
Les grandes villes censées voter en mars 2022
C’était le plan. Il a déraillé. En avril, le président Mahmoud Abbas, 86 ans, a reporté sine die les élections présidentielle et législatives, les premières prévues dans les territoires occupés depuis 2005. L’AP courait le risque de « perdre » symboliquement Jérusalem-Est, la part arabe de la ville occupée par Israël, qui y interdisait le scrutin. Washington et l’Union européenne n’ont rien fait pour l’y contraindre. Ils ne manifestaient qu’un enthousiasme limité pour ce vote, qui aurait tiré le Hamas de son isolement à Gaza. M. Abbas lui-même craignait de perdre le contrôle d’un exercice « démocratique » qu’il s’était efforcé de contrôler de bout en bout.
Depuis lors, l’AP apparaît en bout de course. En semi-faillite financière, alors que les bailleurs arabes et internationaux ne cessent de couper ou de réduire leurs subsides. Sans vision, sans perspective, puisque le nouveau gouvernement israélien, au pouvoir depuis juin, se refuse à engager la moindre négociation politique avec elle. « L’AP nous donne un os à ronger. Ils veulent nous faire plaisir avec ces élections », résume un diplomate européen, qui s’interroge. Les médias d’Etat n’ont pas couvert la campagne. Les grandes villes, Hébron, Naplouse, sont censées élire leurs maires plus tard, en mars 2022. Mais nul ne sait si ces secondes municipales auront bien lieu.
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