La Cour suprême des Etats-Unis a autorisé, vendredi 10 décembre, les tribunaux fédéraux à intervenir contre la loi texane sur l’avortement, très restrictive, sans pour autant aller jusqu’à la suspendre. Cette décision en demi-teinte lève les obstacles de procédure qui ont empêché jusqu’ici les juges des tribunaux fédéraux de bloquer la loi texane, qui enfreint pourtant la jurisprudence de la haute cour.
Entré en vigueur le 1er septembre, le texte interdit l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à partir du moment où le battement du cœur de l’embryon peut être détecté – soit environ six semaines de grossesse. Or, la Cour suprême garantit depuis 1973, avec l’arrêt emblématique Roe v. Wade, le droit des femmes à avorter, et a précisé ensuite qu’il s’appliquait tant que le fœtus n’est pas viable – c’est-à-dire vers vingt-deux semaines de grossesse.
De fait, la loi texane constitue presque une interdiction générale d’avorter : entre 85 % et 90 % des IVG concernent une grossesse parvenue au-delà de ce délai. La loi se veut puissamment dissuasive. Elle ne prévoit aucune exception en cas de viol ou d’inceste.
Surtout, le Texas a imaginé un dispositif exceptionnel qui a compliqué jusqu’ici l’intervention de la justice fédérale. Sa loi confie le soin de faire respecter cet interdit « exclusivement » aux citoyens. Ces derniers sont appelés à dénoncer devant la justice toute personne ayant contribué à un avortement, de façon directe (médecin, infirmière) ou indirecte (le chauffeur de taxi ou de bus qui conduirait la patiente à la clinique par exemple). Cette délation peut rapporter jusqu’à 10 000 dollars (8 800 euros) pour chaque supposé « complice ».
Autre aspect stupéfiant de la législation : ce n’est pas au plaignant d’apporter la preuve du supposé délit, mais au prévenu de s’en défendre. Si ce dernier est déclaré coupable, il devra en plus rembourser les frais de justice du plaignant.
L’inaction de la Cour suprême critiquée à gauche
« Cette loi radicale est une violation flagrante du droit constitutionnel reconnu dans l’arrêt Roe v. Wade », avait écrit le président des Etats-Unis, Joe Biden, dans un communiqué le 1er septembre. « Mon gouvernement est très attaché » au droit à l’avortement, « nous allons le protéger et le défendre », avait-il ajouté. L’administration de M. Biden avait saisi la Cour suprême le 18 octobre dans le but de bloquer cette législation.
La plus haute juridiction américaine, où les juges conservateurs sont majoritaires, avait déjà été saisie une première fois et s’était abritée derrière ces « questions nouvelles de procédure » (le fait de laisser l’application de la loi à la charge des citoyens) pour refuser, le 1er septembre, de bloquer l’entrée en vigueur du texte.
L’inaction de la Cour suprême, perçue comme le signe de l’influence des trois magistrats nommés par Donald Trump, avait été vivement critiquée à gauche. La bataille judiciaire s’était ensuite intensifiée, la forçant à se saisir pleinement du dossier.
Lors d’une audience, le 1er novembre, une majorité de ses juges avaient affiché leur scepticisme face au mécanisme de la loi. Finalement, « huit membres de la Cour sont d’accord pour dire » que le principe qui protège la souveraineté des cinquante Etats « n’empêche pas les poursuites dans les tribunaux fédéraux », selon leur décision, à laquelle seul le juge conservateur Clarence Thomas ne s’est pas associé.
Dans un texte distinct, le président de la cour, John Roberts, et les trois magistrats progressistes ont déclaré qu’ils souhaitaient que les tribunaux bloquent rapidement la loi texane, « compte tenu de ses effets sinistres et persistants ».
Avant le Texas, douze Etats ont voté des lois pour interdire les avortements dès que les battements de cœur du fœtus sont perceptibles. Ces législations avaient toutes été invalidées en justice, puisqu’elles enfreignent la jurisprudence de la Cour suprême.
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