Une nouvelle proposition de loi visant à lutter contre « l’engrillagement des forêts françaises » a été déposée à l’Assemblée nationale. Plusieurs personnalités et associations de protection animale – dont la Fondation 30 Millions d’Amis – ont également appelé à la fin de la chasse en enclos dans une tribune publiée par le JDD. L’étau se resserre autour de cette pratique décriée. 30millionsdamis.fr fait le point.
« Non-sens écologique », « pratiques inacceptables », « ball-trap sur cible vivante », « parcs d’attraction pour chasseurs »… Les condamnations abondent quand il s’agit de la chasse ‘’en enclos’’, pratique qui consiste à chasser des animaux sauvages ou d’élevage dans des espaces grillagés et jusqu’alors (assez) méconnue du grand public.
Ce n’est pas de la chasse, c’est du carnage d’animaux.
F. Cormier-Bouligeon (LaREM)
Contacté par 30millionsdamis.fr, le député du Cher estime que si le « sujet de l’engrillagement existe depuis 25 ans, il atteint actuellement un niveau dramatique ». « Cette pratique porte atteinte autant à la beauté des paysages qu’à la biodiversité et le bien-être animal, dénonce François Cormier-Bouligeon. Ce n’est pas de la chasse, c’est du carnage d’animaux. On y organise la surpopulation et l’emprisonnement de ces animaux qui ont besoin d’un périmètre vital. Ma proposition de loi va plus loin que les précédentes car elle est équilibrée et efficace. »
Dans son texte, il déplore que « la fierté des Solognots s’est muée au fil des années en incompréhension puis en colère » avant de constater que « le paysage solognot est en effet aujourd’hui balafré par quatre mille kilomètres de hauts grillages ».
Il propose « d’abord de requalifier juridiquement la notion d’enclos » puis « d’interdire, afin de faire disparaître l’objet principal de l’engrillagement, le prélèvement de gibier à poil à l’intérieur desdits enclos ».
D’autres propositions de loi venant de différents partis politiques avaient été déposées au préalable, sans pour autant être examinées.
Des personnalités s’opposent fermement à la pratique
Dans une tribune publiée dans le JDD (21/11/2021) une trentaine de personnalités et ONG, parmi lesquelles Michel Onfray, Laurent Baffie, Corinne Lepage, la Fondation 30 Millions d’Amis et la Fondation Bardot s’étaient également exprimées pour qu’il soit mis fin à cette pratique. En voici un extrait :
« Cent mille : c’est le nombre d’animaux détenus en captivité pour être chassés. On a récemment compté 300 sangliers et cervidés abattus en 3 heures sur un domaine privé près de Reims. Pour « le plaisir de tuer », comme l’assume Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs. Nous, citoyens du monde, des villes et des champs, nous mobilisons contre cette barbarie que constitue la chasse en enclos. « C’est dans la vie sauvage que repose la sauvegarde du monde », disait Henry David Thoreau. Dans notre attitude à l’égard de notre semblable animal, c’est une part de notre humanité qui se joue.
Je ne comprends pas l’attrait que cela peut avoir de tuer des animaux.
C. Lepage – Ex-ministre de l’environnement (1995-1997)
Signataire de la tribune, l’ancienne ministre de l’environnement (1995-1997), Corinne Lepage fustige cette pratique qu’elle a « du mal à comprendre intellectuellement ». « Je ne comprends pas l’attrait que cela peut avoir de tuer des animaux, réagit-elle à 30millionsdamis.fr. Quand j’étais ministre sous Jacques Chirac, qui je le rappelle n’aimait pas la chasse, je n’avais jamais entendu parler de cette pratique. Et je peux vous dire que je ne faisais jamais de cadeaux aux chasseurs. Il y a certains arguments que je peux concevoir mais que ce soit cette chasse en enclos ou toutes ces chasses dites traditionnelles, je ne les accepte pas. C’est pourquoi j’ai volontiers signé cette tribune. »
« Un monde discret » qui choque… jusqu’aux chasseurs
La chasse en enclos fait – depuis peu – l’objet de reportages dans les médias. Récemment, l’émission « Réseau d’enquêtes » sur France 3 (27/10/2021) s’est intéressée à la Sologne où « 4000 kilomètres de clôtures » sont décomptés.
L’auteur de l’enquête, le journaliste Charles-Henry Boudet, a également découvert un domaine de chasse en enclos de 330 hectares près de Reims (51) où des daims, « bagués et issus d’un élevage » tournaient « en rond ». Les propriétaires promettent aux chasseurs de « passer un moment convivial et riche en émotion » lors de journées facturées 600 euros, selon France Bleu.
« En rentrant de reportage, je m’arrête devant ces daims et là, je vois les bagues, confie le journaliste à 30millionsdamis.fr. Je découvre qu’il s’agit d’un enclos. Ils n’étaient pas du tout effrayés. » Son tweet, partagé près de 8000 fois a choqué bon nombre d’internautes et de personnalités politiques. « C’est quelque chose dont moi-même j’ignorais l’existence avant notre enquête, évoque-t-il. C’est un monde discret mais le nombre d’enclos de chasse est en constante augmentation depuis 2000. Il est tout à fait possible que les chasseurs, dont le loisir devient de moins en moins tolérable pour l’opinion, se tournent de plus en plus vers ce type de chasse. »
Le nombre d’enclos de chasse est en constante augmentation depuis 2000.
C-H. Boudet – Journaliste Réseau d’Enquêtes
Quant aux chasseurs, ils sont eux-mêmes extrêmement divisés sur la pratique de la chasse en enclos. « Quand vous entendez pendant un quart d’heure la pétarade, franchement, même en tant que chasseur, je préfère descendre de mon mirador et rentrer chez moi, confiait à France Info Hubert-Louis Vuitton, président de la Fédération départementale des chasseurs du Loir-et-Cher. Ce qui me choque, c’est d’avoir ces quantités de gibier, étalés à droite à gauche, dans le sang ». Sur Reporterre, R. Louis, un chasseur, confirmait ce malaise : « Quand on prélève 200 sangliers en une partie de chasse sur un domaine de moins de 150 hectares, ce n’est plus de la chasse mais un massacre ».
De plus en plus de parcs et enclos en France
Selon l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), ce ne sont pas moins de 1300 parcs et enclos qui détiendraient jusqu’à 100 000 cerfs, chevreuils, mouflons, daims et autres animaux. Et il y en aurait de plus en plus. L’ONG avait déjà réalisé une enquête sur le sujet en 2019.
Comme la Fondation 30 Millions d’Amis l’a déjà dénoncé en février 2021, l’autre pan de la chasse en enclos est relatif aux animaux importés d’élevages : en effet, toute introduction provenant de France et d’élevages d’un pays-membre de l’Union européenne restent autorisées, moyennant respectivement une notification auprès d’une base de données et un certificat sanitaire.
Si – avec quatre textes législatifs déposés – le sujet de la chasse en enclos pourrait arriver sur les bancs de l’Assemblée nationale, le calendrier électoral lié à la fin de la mandature et à l’élection présidentielle de 2022 devrait en réalité repousser l’échéance. « Il s’agit probablement d’un chantier de début de législature », confirme François Cormier-Bouligeon. A suivre, donc.
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