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Ukraine: Washington veut utiliser le gazoduc controversé Nord Stream 2 comme « levier » contre Moscou

Longtemps un boulet pour la diplomatie américaine, le gazoduc controversé Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, auquel Joe Biden avait fini par se résigner, revient en force dans le jeu comme l’un des principaux « leviers » de Washington pour dissuader Moscou d’envahir l’Ukraine.

La Maison Blanche n’a pas dit clairement si le président des Etats-Unis avait brandi cette menace énergétique mardi lors de son sommet virtuel avec son homologue russe Vladimir Poutine.

Mais devant la presse, son conseiller pour la sécurité nationale, Jake Sullivan, a insisté sur cette piste « absolument prioritaire ».

Notant que le gazoduc n’était pas encore en fonctionnement, en l’attente d’une certification côté allemand, il a estimé qu’il ne pouvait donc pas servir de « levier pour Poutine ». « C’est un levier pour l’Occident, car si Vladimir Poutine veut que le futur Nord Stream 2 transporte du gaz, il ne prendra peut-être pas le risque d’envahir l’Ukraine », a-t-il lancé.

Depuis la semaine dernière, le gouvernement américain menace la Russie, accusée de masser à nouveau ses troupes à la frontière ukrainienne, de sanctions économiques draconiennes si elle décide d’attaquer le pays voisin. Et pour montrer qu’il est plus déterminé qu’en 2014, lorsqu’il a laissé Moscou annexer la Crimée ukrainienne, il assure qu’il s’agira de sanctions inédites qu’il s’est « abstenu d’utiliser par le passé » justement « en raison de l’impact qu’elles auraient pour la Russie ».

– Accord américano-allemand –

Les spéculations vont bon train autour d’une initiative de Washington pour couper la Russie de Swift, rouage essentiel de la finance mondiale, qui permet aux banques de faire circuler l’argent.

Mais cette hypothèse, souvent qualifiée d’ »option nucléaire » à l’aune des répercussions qu’elle aurait pour l’économie russe mais aussi mondiale, ne serait envisagée par les Etats-Unis qu’en tout dernier ressort — aucun responsable américain ne l’a d’ailleurs confirmée.

« Swift serait une escalade majeure », dit à l’AFP un ex-ambassadeur américain à Kiev, William Taylor, vice-président du cercle de réflexion United States Institute of Peace.

Selon lui, « Nord Stream 2 est une option sérieuse », « l’une des mesures les plus importantes » à l’étude, car elle permettrait à l’administration Biden d’afficher une très grande fermeté sans aller jusqu’à provoquer un séisme économique.

« NS2 » a longtemps empoisonné les relations entre Washington et Berlin.

Les Etats-Unis s’opposent vivement à ce gazoduc qui passe par la mer Baltique, menaçant de priver l’Ukraine d’une partie des revenus perçus sur le transit, mais aussi d’un moyen de pression sur Moscou.

Malgré une classe politique dressée contre le projet, aucun gouvernement américain n’a toutefois pris le risque d’aller au clash avec l’Allemagne, un allié-clé. Et les sanctions limitées prises jusqu’ici n’ont pas empêché la construction d’aller au bout.

Prenant acte d’une fin des travaux désormais inéluctable, Joe Biden a décidé de clore la dispute avec les Allemands en signant en juillet avec eux un accord qui revient aujourd’hui sur le devant de la scène internationale.

Ce texte prévenait que si la Russie devait commettre des « actes agressifs à l’égard de l’Ukraine », l’Allemagne prendrait des mesures « pour limiter les capacités d’exportation russes vers l’Europe dans le secteur énergétique ».

– « Projet de long terme » –

C’est sur ce compromis passé à l’époque largement inaperçu que s’appuie aujourd’hui la diplomatie américaine.

« Si le président Poutine bouge sur l’Ukraine, nous nous attendons à ce que le gazoduc soit suspendu », a martelé mardi la numéro trois du département d’Etat, Victoria Nuland, devant les sénateurs américains.

Pour William Taylor, c’est une arme puissante car « c’est un projet de long terme » pour le Kremlin.

« La raison pour laquelle Poutine y tient vraiment », « c’est qu’il lui permettrait de pouvoir ouvrir et fermer » les vannes de gaz vers l’Europe et ainsi de « peser sur les prises de décisions européennes », estime-t-il. Une telle menace va dont « attirer toute son attention ».

Sur la scène politique américaine, elle permet aussi au président démocrate de répondre aux républicains qui ne lui pardonnent pas de s’être résigné à la construction du « pipeline ».

Reste à savoir si l’Allemagne, jusqu’ici très attachée à Nord Stream 2, est prête à jouer le jeu américain au moment où la chancelière conservatrice Angela Merkel cède le pouvoir au social-démocrate Olaf Scholz.

« Les Allemands sont divisés là-dessus », fait valoir William Taylor, relevant que la future ministre des Affaires étrangères, l’écologiste Annalena Baerbock, est sur une ligne plus opposée au gazoduc.

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