La société Uber, dont le statut d’indépendants des chauffeurs est remis en cause dans plusieurs pays, est dans le viseur de la justice française, qui a ouvert une enquête depuis 2015 pour « travail dissimulé ».
Cette enquête s’intéresse aux conditions d’emploi des chauffeurs de VTC du géant américain, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier, confirmée par le parquet de Paris.
Ouverte en 2015, elle a longtemps « sommeillé », selon la source proche, avant d’être réactivée en 2020 suite à un signalement à la justice de l’Urssaf, et confiée en cosaisine à cet organisme et aux gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).
Sollicitée, l’Urssaf n’a pas souhaité commenter.
Selon une source proche du dossier, l’enquête, qui en est à ses débuts, porte sur la période allant de 2015 à aujourd’hui.
Aucune perquisition n’a été réalisée à ce stade, mais des réquisitions de documents, notamment des listes de chauffeurs utilisant l’application Uber ont été envoyées à la société. Les enquêteurs de l’OCLTI attendent encore des retours et de pouvoir les étudier, selon la source proche du dossier.
Plusieurs « dizaines » d’auditions de chauffeurs Uber sont envisagées « pour connaître leur condition d’emploi et de recrutement », a encore ajouté cette source.
– « Gig economy » –
« Nous n’avons pas été notifiés qu’une enquête menée par le Parquet de Paris était en cours », a réagi auprès de l’AFP une porte-parole d’Uber. « Les chauffeurs, dans leur immense majorité, souhaitent être indépendants, il est primordial de les entendre ».
« C’est ce que nous dénonçons depuis le début, alors que personne ne nous écoutait du côté du gouvernement ou de l’inspection du travail. Il était temps, et il n’est jamais trop tard pour réguler la plateforme Uber », a déclaré à l’AFP Brahim Ben Ali, secrétaire général de l’intersyndicale nationale VTC (INV).
Le statut de travailleur indépendant, sur lequel les plateformes Uber ou Deliveroo fondent leur modèle, est remis en cause dans un nombre croissant de pays poussant les géants de la « gig economy » (« économie des petits boulots ») à proposer des solutions de compromis.
Manifestation de chauffeurs Uber en Belgique le 25 novembre 2021 jour où la cour d’appel a interdit à un groupe de chauffeurs du groupe américain d’exercer (AFP – Kenzo TRIBOUILLARD)
En Grande-Bretagne, Uber a ainsi annoncé en mars qu’elle allait accorder à ses plus de 70.000 chauffeurs un statut hybride de « travailleurs salariés », qui leur permettra de bénéficier du salaire minimum, de congés payés et de l’accès à un fonds de retraite. Une première mondiale pour la société américaine.
Cette mesure avait été annoncée un mois après une décision de la Cour suprême britannique, qui avait estimé que les chauffeurs pouvaient être considérés comme des « travailleurs » et donc bénéficier de droits sociaux. Une décision similaire a été rendue le 13 septembre par un tribunal néerlandais.
En France, la Cour de cassation avait validé en mars 2020 la requalification en contrat de travail du lien entre Uber et un de ses anciens chauffeurs, une première en France.
– Procès pour Deliveroo –
« Au cours des deux dernières années, nous avons apporté de nombreux changements pour donner aux chauffeurs encore plus de contrôle sur la façon dont ils utilisent l’application, ainsi qu’une meilleure protection sociale », avait réagi une porte-parole d’Uber.
Suite à de nombreux démêlés judiciaires, la société « a modifié ses +process+. On peut être auto-entrepreneur et travailler avec diverses plateformes désormais, ce qui rend plus difficile à caractériser le lien de subordination », relevait une autre source proche du dossier.
Si les décisions rendues ont pour la plupart requalifié comme salariés les travailleurs des plateformes épinglées, d’autres vont néanmoins en sens contraire.
Afin de clarifier la situation, Bruxelles devrait proposer jeudi un arsenal de mesures pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques, notamment en fixant des critères pour déterminer s’ils doivent être ou non considérés comme salariés.
L’enquête ouverte sur Uber pourrait déboucher sur un premier procès pénal en France pour le géant américain à l’instar de la plateforme de livraison de repas Deliveroo.
L’entreprise et trois de ses ex-dirigeants devront répondre en mars 2022 devant le tribunal correctionnel de Paris de « travail dissimulé », soupçonnés d’avoir employé entre 2015 et 2017 comme « indépendants » des livreurs qui auraient dû être salariés.
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