Des réfugiés rohingya, minorité ethnique musulmane qui a fui les persécutions en Birmanie, ont engagé des poursuites contre Meta Platforms Inc, anciennement connu sous le nom de Facebook, pour un montant de 150 milliards de dollars (132 milliards d’euros). Ils accusent le réseau social de ne pas avoir pris de mesures contre les discours de haine à leur encontre. Une plainte en recours collectif a été déposée lundi 6 décembre en Californie, où Facebook a son siège, par les cabinets d’avocats Edelson PC et Fields PLLC. Dans le cadre d’une action coordonnée, des avocats britanniques ont également adressé une lettre de notification au bureau de Facebook à Londres.
La plupart des Rohingya ont trouvé refuge au Bangladesh à partir de 2017 après avoir fui une violente campagne de répression en Birmanie, pays à majorité bouddhiste, où ils sont considérés comme des clandestins même s’ils y sont souvent présents depuis des générations.
La plainte affirme que les algorithmes utilisés par le géant de la technologie ont favorisé la désinformation et des idéologies extrémistes, qui se sont traduites par des actes violents dans le monde réel. « Facebook est comme un robot programmé avec une unique mission : se développer », écrivent les plaignants. « La réalité indéniable est que la croissance de Facebook, nourrie par la haine, la division et la désinformation, a laissé dans son sillage des centaines de milliers de vies rohingya dévastées », poursuit le document consulté par l’Agence France-Presse (AFP).
Facebook prend des mesures
La plainte collective déposée lundi à San Francisco affirme que les algorithmes de Facebook poussent certains profils d’utilisateurs vers des groupes encore plus extrémistes qu’ils ne le sont déjà, une situation idéale pour « les dirigeants et régimes autocratiques ».
En 2018, Facebook avait reconnu que son réseau avait été utilisé pour attiser la violence en Birmanie et a par la suite annoncé des mesures contre les « appels à la haine » de la junte birmane. En septembre, un juge fédéral américain a ordonné à Facebook de publier les archives de ces comptes liés aux exactions de l’armée birmane et de milices bouddhistes contre la minorité musulmane.
Refusant de retourner en Birmanie tant que la sécurité et l’égalité des droits ne leur seront pas assurées, les réfugiés survivent dans des cahutes de fortune et des conditions insalubres. De nombreux Rohingya qui sont restés en Birmanie n’y bénéficient pas de la citoyenneté et sont en butte à des violences communautaires et à une discrimination de la part de la junte au pouvoir. Les Rohingya restant en Birmanie vivent sous la menace d’un « génocide », ont alerté en 2019 des enquêteurs de l’Organisation des Nations unies (ONU), demandant que les responsables soient traduits devant la Cour pénale internationale (CPI).
Des organisations de défense des droits humains reprochent de longue date à Facebook de ne pas s’engager suffisamment dans la lutte contre la désinformation et les informations mensongères. Certains critiques assurent que même lorsque la plate-forme est alertée sur des contenus haineux, elle n’agit pas, ce qui, selon eux, aboutit à la persécution des minorités et peut même peser sur le résultat de certaines élections.
Frances Haugen, lanceuse d’alerte qui a claqué la porte de Facebook en mai et dénonce les pratiques de son ancien employeur, a déclaré devant le Congrès américain que le réseau, dont la maison mère a été récemment rebaptisée Meta, attisait les « violences ethniques » dans certains pays.
D’après la loi américaine, Facebook n’a que peu de chances d’être tenu responsable des messages publiés par ses utilisateurs. Pour contourner cet écueil juridique, la plainte des Rohingya met en avant le fait que la loi birmane, qui n’offre aucune protection de ce genre, devrait primer. Contacté par l’AFP, Facebook n’avait pas réagi lundi soir à l’annonce de la plainte.
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