La peine est réduite, mais l’objectif des militaires reste inchangé. Quelques heures après le verdict condamnant Aung San Suu Kyi à quatre ans de prison, le chef de la junte, le général Min Aung Hlaing, a annoncé publiquement une amnistie partielle, ramenant la peine à deux ans. L’ex-dirigeante birmane, 76 ans, détenue dans un lieu inconnu depuis le coup d’Etat du 1er février, était accusée d’incitation à des troubles publics et de violation des règles sanitaires liées au Covid-19.
Ce geste, de toute évidence calculé, concerne également l’ancien président Win Myint, qui avait été condamné à la même peine. « C’était une tentative de se montrer magnanime, c’est tombé à plat », note Richard Horsey, analyste de l’International Crisis Group, cité par l’Agence France-Presse. La réduction de peine ne change en effet rien sur le fond, puisque Aung San Suu Kyi reste empêchée de faire campagne pour les prochaines élections, annoncées par la junte à partir d’août 2023. Par ailleurs, l’ex-dirigeante birmane fait face à d’autres accusations, pour des faits qui pourraient lui valoir jusqu’à une centaine d’années de prison au total. Le prochain verdict est attendu le 14 décembre.
« La Chine a les cartes en mains »
Paradoxalement, le verdict du tribunal de Naypyidaw, la capitale birmane, a contribué à restaurer en partie l’aura de la Prix Nobel de la paix, largement écornée à l’étranger pour son manque de compassion envers les musulmans rohingya, victimes d’atrocités de la part de l’armée birmane. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a ainsi dénoncé une condamnation « injuste », estimant que sa peine était « un affront à la démocratie et à la justice en Birmanie ». Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a de son côté critiqué « un procès truqué avec une procédure secrète devant une cour contrôlée par les militaires » et un verdict qui « ferme une porte au dialogue politique ». « Aung San Suu Kyi a consacré sa vie à lutter pour la liberté et la démocratie en Birmanie et a tenu ce rôle difficile depuis plus de trente ans », a ajouté le Comité Nobel norvégien, « inquiet » pour celle qui fut sa lauréate en 1991.
La pression internationale a néanmoins peu de chances de changer la donne, relève David Camroux, chercheur honoraire au Centre d’études internationales de Sciences-Po. « C’est la Chine qui a la plupart des cartes en mains, note-t-il. Et les pays occidentaux n’ont de toute façon pas franchi le pas en reconnaissant le gouvernement en exil [le gouvernement d’unité nationale de Birmanie, formé le 16 avril 2021 par des personnalités ayant fui le pays]. En revanche, ce verdict est une nouvelle maladresse de la junte. Aung San Suu Kyi est, pour eux, beaucoup plus dangereuse en détention qu’en liberté. Les jeunes qui manifestent en sa faveur veulent aller bien au-delà du rétablissement de la Constitution de 2008, ils appellent carrément l’armée à rentrer dans ses casernes… »
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