Ils sont peut-être deux cents à trois cents à se presser, l’après-midi du vendredi 3 décembre, devant l’église paroissiale néoromane de la Sainte-Croix, point de rencontre de la communauté catholique de Nicosie. Ces réfugiés souvent venus en famille attendent le pape François, au deuxième jour de sa visite à Chypre. Une douzaine d’entre eux seront transférés à Rome, d’ici Noël, à l’initiative du Vatican et avec le concours logistique de la Communauté de Sant’Egidio. La veille, le président chypriote, Nicos Anastasiades, a même évoqué le nombre de cinquante.
Parmi eux des Syriens, des Congolais, des Camerounais… Tous ne bénéficieront pas de cette possibilité, même si beaucoup en rêvent. Iman, mère de quatre enfants venue d’Irak en 2018, l’espère ainsi pour elle et sa famille. « Ma situation est très mauvaise, raconte-t-elle. Je n’ai ni argent ni travail. Je suis musulmane, mais pour moi, musulmans et chrétiens sont frères. Je veux aller à Rome avec ma famille. J’espère pouvoir le faire. »
Un large éventail de nationalités et de religions attend dans la petite église. Le pape a prévu d’y présider une « prière œcuménique avec les migrants ». Mais avant d’arriver à la prière, le chef de l’Eglise catholique choisit de sortir de son discours écrit pour lancer une lourde charge contre ceux qui font de la route des migrants un périple parfois mortel.
Il s’adresse aux quatre réfugiés du Sri Lanka, du Cameroun, d’Irak et de République démocratique du Congo qui viennent de lire un bref témoignage décrivant l’occultation de leur personne, de leurs projets, de leurs rêves derrière leur statut de demandeur d’asile, de sans-papiers, de réfugié. Il demande aux chrétiens, comme le prévoyait son texte, de « ne pas se résigner à un monde divisé » mais d’avancer vers « une humanité sans murs de séparation, (…) avec non plus des étrangers mais seulement des concitoyens. Différents, certes, et fiers de nos particularités, qui sont un don de Dieu, mais concitoyens réconciliés ».
« La culture de l’indifférence »
Puis, improvisant, le pape François s’indigne de plus en plus du sort fait aux migrants qui tentent de gagner l’Europe. Il dénonce « la culture de l’indifférence » de la part de « gens qui ont tout » : « C’est si facile de détourner le regard ! »
« Vous êtes arrivés ici, mais combien sont restés en route ? »
Puis il ajoute à son discours un long codicille. « Vous êtes arrivés ici, mais combien sont restés en route ? En vous voyant, je vois la souffrance du chemin. C’est l’histoire d’un esclavage universel. Le pire, c’est qu’on s’y habitue. C’est une maladie très grave. Je vois aussi ceux qui ont dû repartir en arrière, parfois parce qu’ils ont été repoussés, et qui finissent dans un lager. » Le pape argentin a déjà employé à plusieurs reprises ce terme allemand, qui désignait les camps de concentration et d’extermination nazis, pour décrire les lieux dans lesquels des passeurs et des trafiquants détiennent et exploitent des migrants, notamment en Libye.
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