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En Espagne, réparer la terreur de l’ETA

Par Sandrine Morel

Publié aujourd’hui à 02h32

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ReportageDe 2011 à 2012, le gouvernement socialiste espagnol avait rendu possibles des « rencontres restauratives » entre anciens terroristes de l’organisation séparatiste basque et les familles de leurs victimes. Après une interruption décrétée par les conservateurs, de nouvelles « rencontres » sont aujourd’hui en gestation.

Autour de la stèle érigée au sommet du mont Burnikurutzeta, au Pays basque espagnol, une trentaine de proches étaient venus, ce 29 juillet 2014, rendre hommage à Juan Mari Jáuregui. Comme chaque année depuis son assassinat, le 29 juillet 2000, de deux balles dans la tête, alors qu’il se trouvait attablé avec un ami dans le restaurant Le Fronton, à Tolosa, dont il avait été conseiller municipal socialiste. Il y avait là sa veuve, sa fille, des amis et des camarades de parti. Et il y avait aussi l’un de ses assassins.

Mal à l’aise dans son polo bleu, une main dans la poche de son jean, le regard baissé, Ibon Etxezarreta s’est approché de la stèle, maintes fois profanée par des séparatistes fanatiques, sur laquelle sont gravés, autour d’une croix basque, quelques mots rédigés en euskera, la langue basque : « Ceux qui t’aimaient se souviennent de toi. » Et cet ancien militant séparatiste du groupe terroriste Euskadi ta Askatasuna – plus connu sous le sigle ETA (« Pays basque et liberté ») –, grand et costaud, les cheveux noirs et raides coupés court, y a déposé des fleurs.

Encourager la dissidence

Condamné à plus de 390 ans d’emprisonnement pour sa participation à une vingtaine d’attentats et cinq assassinats, Ibon Etxezarreta bénéficiait ce jour-là d’un permis de sortie. La veuve de Juan Mari Jáuregui, Maixabel Lasa, lui avait donné rendez-vous au milieu des collines vertes pour l’accompagner à l’hommage intime qu’elle a coutume de rendre à son époux, « son seul et unique amour ».

« Les repentis ne ressemblent plus en rien à ceux qu’ils ont été », souligne, sept ans plus tard, Maixabel Lasa, assise dans le bar des anciens de Legorreta, village de 1 400 habitants situé à une trentaine de kilomètres de Saint-Sébastien (Donostia, en basque), où elle vit toujours, dans la même maison qu’elle habitait avec son mari.

Maixabel Lasa, la veuve de Juan Mari Jauregui, assassiné le 29 juillet 2000, dans son village de Legorreta, le 12 novembre 2021. CHARLOTTE YONGA POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE  »

Comment la veuve d’une victime de l’ETA a-t-elle pu inviter l’un des tueurs de son mari à se recueillir avec ses proches et comment ce dernier a-t-il eu le courage de s’y rendre ? En 2009, afin d’encourager une réflexion critique parmi les prisonniers du groupe terroriste, le ministre de l’intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba, membre du gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero, a pris une décision osée : rassembler dans une même prison du Pays basque – celle de Zaballa, à Nanclares de Oca – une trentaine de prisonniers en rupture avec l’organisation terroriste et se disant prêts à demander pardon et à payer les indemnisations aux victimes prévues par les tribunaux.

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