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Comment Bercy a pris goût à la « souveraineté économique »

Télécoms, sécurité, médias… La protection des entreprises « sensibles », ou « stratégiques », a été renforcée pendant l’épidémie. Mais les mesures prises pendant la crise auraient-elles donné des idées à Bercy ? Après avoir abaissé de 25% à 10% le seuil de détention au capital pour déclencher un contrôle de Bercy, le ministre de l’Economie a prolongé d’un an cette mesure mise en place pour encadrer les investissements étrangers en France (IEF), a-t-il annoncé lundi, sur France 2. Un dispositif renforcé, destiné à « protéger les technologies françaises » dans des domaines aussi variés que « les biotechnologies, les réseaux de communication, l’alimentation ». 

En 2020, 275 procédures ont été examinées par la direction générale du Trésor dans des dossiers aussi sensibles que la vente de Photonis, spécialisé dans l’optronique militaire, ou encore, la tentative de rachat de Carrefour par Couche-Tard. Une opération finalement retoquée suite à l’intervention de Bercy. Pour le député Olivier Marleix (LR), ces mesures d’urgence ne pourront masquer l’absence de doctrine en matière de « souveraineté économique ». Fort de son enquête sur la vente de la branche énergie d’Alstom, le député appelle à s’inspirer du modèle mis en place aux Etats-Unis et clarifier le domaine d’intervention de Bercy dans ces dossiers. 

Challenges: La crise a-t-elle permis à l’Etat de renforcer ses interventions

, ou « stratégiques », a été renforcée pendant l’épidémie. Mais les mesures prises pendant la crise auraient-elles donné des idées à Bercy ? Après avoir abaissé de 25% à 10% le seuil de détention au capital pour déclencher un contrôle de Bercy, le ministre de l’Economie a prolongé d’un an cette mesure mise en place pour encadrer les investissements étrangers en France (IEF), a-t-il annoncé lundi, sur France 2. Un dispositif renforcé, destiné à « protéger les technologies françaises » dans des domaines aussi variés que « les biotechnologies, les réseaux de communication, l’alimentation ». 

En 2020, 275 procédures ont été examinées par la direction générale du Trésor dans des dossiers aussi sensibles que la vente de Photonis, spécialisé dans l’optronique militaire, ou encore, la tentative de rachat de Carrefour par Couche-Tard. Une opération finalement retoquée suite à l’intervention de Bercy. Pour le député Olivier Marleix (LR), ces mesures d’urgence ne pourront masquer l’absence de doctrine en matière de « souveraineté économique ». Fort de son enquête sur la vente de la branche énergie d’Alstom, le député appelle à s’inspirer du modèle mis en place aux Etats-Unis et clarifier le domaine d’intervention de Bercy dans ces dossiers. 

Challenges: La crise a-t-elle permis à l’Etat de renforcer ses interventions ?

Olivier Marleix: Il y a eu des avancées incontestables. Avant la loi Pacte, votée en mai 2019, la France ne disposait d’aucun outil sérieux pour protéger ses actifs industriels dans les secteurs de la défense, des transports et de l’énergie. La « loi de blocage » de 1968, qui remonte à l’époque du général de Gaulle, ne bloquait rien du tout. Elle faisait plutôt sourire dans les milieux d’affaires, où l’on n’a jamais eu aucun mal à la contourner pour réaliser des opérations sur le dos de l’Etat. Paradoxalement, c’est Bruxelles qui a incité, et incite toujours, les Européens à renforcer leurs règles pour mettre fin à cette situation, malgré l’opposition de plusieurs pays du Nord, réticents à ces opérations de « filtrage ». 

Challenges: l’épidémie n’a pas bouleversé les règles ? 

Le fait d’avoir ramené à 10% le seuil pour déclencher les procédures de contrôles a élargi le domaine d’intervention de l’Etat. De ce point vue, l’action de Bercy dans la vente de Photonis a envoyé un signal fort : c’est la première fois que la direction du Trésor mettait son veto à une prise de participation étrangère, en l’occurrence, à l’offre présentée par l’Américain Teledyne. Certes, la valorisation de la société en a subi les conséquences, mais cette affaire constitue un précédent qui ne pourra être mis de côté dans les futures négociations.

Challenges: que manque-t-il, aujourd’hui, pour affiner le dispositif ? mieux protéger ces entreprises des appétits étrangers ?

Il y a urgence, selon moi, à stabiliser notre doctrine pour que les investisseurs sachent véritablement où ils mettent les pieds. Pas question de « dégrader le climat des affaires », comme j’ai pu l’entendre, parfois, mais simplement de clarifier les règles. Aux Etats-Unis, les entreprises qui investissent dans les secteurs stratégiques connaissent la liste des mesures qui pourront leur être demandées en cas de transaction jugée « sensible ». C’est une mission prise très au sérieux par le CIFUS (Committee on foreign investment in USA) qui associe chaque ministère concerné, pendant plusieurs mois, avant de donner son accord. En France, Bercy a trente jours pour instruire une demande d’autorisation…

Challenges: de quelle manière s’en inspirer ?

Là bas, les actionnaires savent qu’ils peuvent être écartés de certains postes de direction. Un accord de gouvernance (ndlr, « Proxy Agreement« ) peut être trouvé avec les actionnaires pour éviter qu’ils n’accèdent à certaines informations sensibles, par exemple. Notre point faible, en France, c’est que l’Etat peut exiger bien des choses, sans que l’on sache exactement quoi. Il a le droit d’intervenir, mais on ne sait pas ce qu’il va demander aux futurs actionnaires. A mon avis, il serait utile de préciser l’étendue des conditions que le ministre de l’Economie sera autorisé à poser dans le cadre de ces procédures. 

Challenges: Y-a-t-il d’autres points, dans la loi, qui mériteraient d’être clarifiés ?

Notre système de contrôle se révèle inopérant lorsque des start-up ou des laboratoires de recherche sont convoités par des acteurs étrangers. Certes, la direction générale des entreprises (DGE) dresse la liste des entreprises dites « stratégiques » et assure une veille efficace sur le tissu industriel de notre territoire à travers les préfets. Mais notre organisation ne vise que les flux de capitaux. Or l’usage de la propriété intellectuelle sur des technologies pose problème, lui aussi. Si vous avez une start-up dans les télécoms qui vend sa technologie à travers un contrat de licence, je mets au défi l’Etat de pouvoir intervenir! C’est d’ailleurs un point sur lequel j’avais interrogé le ministère qui ne m’a jamais répondu.

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