Publié le : 03/12/2021 – 16:22
Le Conseil de l’Europe a entamé une procédure rare qui pourrait mener à des sanctions contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, accusé de vouloir « réduire au silence » le philanthrope et opposant Osman Kavala, détenu sans procès depuis 2017 en Turquie.
Le Conseil de l’Europe hausse le ton contre la Turquie : l’organisation paneuropéenne engage une procédure pouvant conduire à sanctionner Ankara, deux ans après un arrêt de la CEDH qui exigeait la « libération immédiate » de l’opposant Osman Kavala.
Les hostilités ont été engagées jeudi 2 décembre par le Comité des ministres du Conseil, organe chargé de veiller à l’exécution des décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Dans une « résolution intérimaire » adoptée jeudi, le Comité a une nouvelle fois appelé les autorités turques à assurer la « libération immédiate » d’Osman Kavala et à « veiller à la clôture de la procédure pénale à son encontre ».
Mais surtout, il a adressé « une mise en demeure » à la Turquie, première étape d’une longue procédure qui pourrait aboutir à des sanctions.
C’est la deuxième fois seulement que cette procédure est enclenchée. L’unique précédent, en 2017, visait l’Azerbaïdjan, à qui l’institution siégeant à Strasbourg réclamait la libération de l’homme d’affaires et militant politique Ilgar Mammadov. Celui-ci avait été finalement libéré avant que des sanctions ne soient prononcées.
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Avant d’en arriver à des sanctions contre Ankara, et si elle se poursuit, la procédure prendra plusieurs mois au bas mot.
Sans réaction de la Turquie à la « mise en demeure » du Comité de ministres, celui-ci devrait dans un premier temps saisir, en février 2022, la CEDH.
Il reviendra alors à la Cour de constater officiellement que la Turquie n’a pas libéré Osman Kavala et ne s’est donc pas conformée à l’obligation de respecter son arrêt de décembre 2019, qui estimait que la détention de l’opposant n’avait d’autre objectif que de le « réduire au silence ».
Puis, lors d’une nouvelle réunion, le Comité des ministres pourrait finalement prononcer des sanctions.
Quoi qu’il en soit, l’atteinte à la réputation d’Ankara est immédiate. Et signe de la sensibilité du sujet, le gouvernement turc a anticipé, dès jeudi soir, l’annonce du Conseil de l’Europe, fustigeant la « démarche incohérente » de l’organisation et l’appelant « à éviter de prendre une décision qui constituerait une ingérence dans la justice indépendante » du pays.
Condamnations en cascade de la CEDH
Homme d’affaires prospère devenu mécène, Osman Kavala, 64 ans, est accusé par le régime du président Recep Tayyip Erdogan de chercher à déstabiliser la Turquie.
Il est notamment ciblé pour avoir soutenu en 2013 les manifestations antigouvernementales connues comme le mouvement de Gezi, visant Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre. Osman Kavala avait été arrêté puis placé en détention le 18 octobre 2017.
Acquitté une première fois en février 2020, il avait été dès le lendemain placé en garde à vue puis réincarcéré, accusé cette fois d’avoir « soutenu » la tentative de putsch contre Recep Tayyip Erdogan en juillet 2016. Depuis, la justice turque a continuellement prolongé sa détention, qui court désormais jusqu’au 17 janvier au moins.
En octobre, dix ambassadeurs occidentaux, dont ceux des États-Unis, de la France et de l’Allemagne, ont été menacés d’expulsion par Recep Tayyip Erdogan pour avoir réclamé la libération du mécène turc. Le président turc s’était finalement ravisé in extremis et n’avait pas procédé aux expulsions.
Au-delà du cas d’Osman Kavala, la Turquie a fait l’objet d’innombrables condamnations par la CEDH ces dernières années, notamment pour les purges menées après la tentative de coup d’État militaire de juillet 2016.
Le célèbre journaliste et écrivain Ahmet Altan, arrêté en septembre 2016 puis emprisonné pour « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » avait ainsi porté son affaire devant la cour européenne et obtenu sa libération en avril, au lendemain de l’arrêt de la CEDH qui condamnait Ankara.
Dans une autre affaire, le Conseil de l’Europe a réclamé vendredi à la Turquie « la libération immédiate » de Selahattin Demirtas, chef de file du principal parti prokurde d’opposition, mais sans engager de procédure pouvant aboutir à des sanctions.
En décembre 2020, la CEDH avait ordonné sa libération, estimant que sa détention avait « pour but inavoué d’étouffer le pluralisme et de restreindre la liberté du débat politique ».
Avec AFP
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