Deux mois à peine après sa démission de la chancellerie sur des soupçons de corruption, Sebastian Kurz, présenté hier comme « l’enfant prodige » de la politique autrichienne, tire à 35 ans sa révérence. « C’est un nouveau chapitre de ma vie qui s’ouvre aujourd’hui », a-t-il déclaré aux journalistes jeudi 2 décembre à Vienne, disant vouloir consacrer du temps à sa famille et à son fils Konstantin, né le week-end dernier. Il a également évoqué un nouveau « défi professionnel » dans les mois à venir, sans donner de détails.
M. Kurz avait quitté son poste de chancelier en octobre après le lancement d’une enquête à son encontre, tout en restant à la tête du Parti populaire autrichien (ou ÖVP, pour Österreichische Volkspartei, en allemand), conservateur, dont il présidait aussi le groupe parlementaire. Une réunion du bureau fédéral se tiendra vendredi et « je remettrai mes fonctions », a-t-il précisé. « Cette décision n’a pas été facile à prendre, mais malgré tout je ne ressens aucune amertume », a ajouté l’ex-chancelier.
Il a expliqué avoir été « usé » par les récentes accusations du parquet, qu’il rejette et qui ont « entamé son enthousiasme ». « Je ne suis ni un saint ni un criminel, je suis un être humain avec des forces et des faiblesses », a-t-il souligné.
Scandales en série
Le scandale a éclaté en octobre, lorsque plusieurs lieux, dont la chancellerie et le ministère des finances, ont été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête portant sur des soupçons de détournement de fonds publics entre 2016 et 2018.
Ce détournement présumé avait pour but de financer la parution de sondages falsifiés et une couverture médiatique élogieuse à l’égard de Sebastian Kurz dans les médias d’un influent groupe de presse autrichien, Österreich. En échange, ce dernier était récompensé par l’achat de lucratifs encarts publicitaires, selon les éléments du parquet.
M. Kurz était le plus jeune chef de gouvernement du monde quand il a accédé à la chancellerie à l’âge de 31 ans. La coalition qu’il avait formée avec l’extrême droite s’était effondrée en 2019 lorsque son allié s’était retrouvé au cœur d’une affaire de corruption. De nouvelles élections lui avaient permis de retrouver son poste jusqu’à sa démission, en octobre.
Clamant son innocence, Sebastian Kurz avait demandé à un proche, le ministre des affaires étrangères, Alexander Schallenberg, de lui succéder. Mais à la mi-novembre, le Parlement avait levé son immunité parlementaire.
De l’extrême droite aux écolos
Né en 1986 d’un père technicien et d’une mère enseignante, le Viennois a connu avant cette chute brutale une carrière fulgurante. Il devient secrétaire d’Etat à seulement 24 ans, avant même d’avoir achevé son cursus de droit. Il est ensuite nommé ministre des affaires étrangères à 27 ans, avant de devenir chancelier en 2017.
Il devait alors sa popularité à son opposition à l’accueil des réfugiés et à des promesses de baisses massives d’impôts pour les classes moyennes. A une Autriche prospère mais déstabilisée par l’afflux migratoire, le jeune dirigeant propose la fermeture des frontières. La rafale de mesures anti-immigration votées sous son premier mandat et ses relations tendues avec les médias ont fait de lui une personnalité clivante.
Sebastian Kurz a certes toujours revendiqué ses convictions pro-européennes. Mais il a rarement recadré le Parti de la liberté d’Autriche (ou FPÖ, pour Freiheitliche Partei Österreichs), nationaliste, alors que les provocations xénophobes de l’extrême droite ont écorné l’image de l’Autriche auprès de ses partenaires de l’Union européenne. En janvier 2020, celui dont les politologues saluent l’instinct politique et le talent rhétorique, s’était associé aux Verts, un virage radical.
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