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Junior Messias, de nettoyeur de briques à sauveur de l’AC Milan

Déjà buteur la semaine passée en Ligue des champions, le milieu offensif brésilien de l’AC Milan, Junior Messias (30 ans), a inscrit mercredi soir un doublé pour sa première titularisation en Serie A avec le club lombard. Un moment de grâce, pour un homme arrivé en Italie il y a dix ans, sans papiers et sans grand espoir de percer dans le football.

Le tube ne durera peut-être que le temps d’un automne ou d’un hiver, mais l’histoire est belle. Sauveur de l’AC Milan la semaine passée sur le terrain de l’Atlético de Madrid (1-0) en Ligue des champions (pour son baptême du feu européen), Junior Messias a remis ça mercredi soir, en Serie A.

Pour sa première titularisation avec le club lombard, le milieu offensif brésilien a claqué un doublé sur le terrain du Genoa, et conforté la victoire des siens (3-0). Félicité par tous ses camarades, Messias n’a pas caché son émotion. L’émotion d’un joueur qui, à 30 ans passés, s’épanouit enfin au très haut niveau. Dix ans après avoir dû nettoyer des briques pour gagner sa vie.

A 20 ans, il quitte le Brésil et se retrouve sur des chantiers turinois

Celle de Junior Walter Messias a débuté comme beaucoup de joueurs sud-américains. Né en 1991 dans une famille modeste de Belo Horizonte, le gaucher montre vite un talent certain pour le football. De quoi intégrer, à l’adolescence, les équipes de jeunes de Cruzeiro. Mais la suite n’est pas linéaire. Le contrat pro tant espéré n’arrive pas, et le joueur se retrouve, à 20 ans, dans un club de troisième division locale. Avec une femme et un enfant, mais sans argent et sans cadre. « Des fêtes, beaucoup de fêtes, trop de fêtes, racontait l’intéressé il y a quelques mois dans une tribune. Ce qui m’a poussé à faire quelques conneries dans ma vie, comme au mariage de mon frère (il a eu accident de voiture en état d’ébriété, ndlr), avant que quelqu’un ne me sorte de là. Mais en fait, c’est Dieu qui m’a sauvé. »

Sans perspective réjouissante, Messias décide en 2011, à 20 ans, de rejoindre son frère en Italie, en laissant sa famille au pays. Le Brésilien débarque à Turin, dans le quartier Barriera di Milano, toujours sans le sou, et sans papiers. Pour s’en sortir, il décroche un premier boulot sur un chantier de démolition. L’anecdote des briques, c’est là. « Je les remettais en état une par une, décrivait-il dans sa tribune. Je recevais 20 cts par brique nettoyée. »

Messias devient ensuite maçon, puis livreur d’électroménager. Les frigos sont son quotidien, le ballon est loin. « J’aimais toujours le football, mais ce n’était pas un plan de vie, un objectif. C’était un passe-temps. (…) En fait, j’aimais bien aller au travail, je n’étais pas du genre à me lamenter. Je pensais que le travail allait me sauver, que c’était la seule façon de m’en sortir », expliquera-t-il. Jusqu’à – comme dans toute belle histoire – la rencontre décisive.

D’une équipe FSGT péruvienne à la Serie A en cinq ans

En marge de ses activités professionnelles, Junior Messias rejoint une équipe d’immigrés péruviens, la Sport Warique, engagée dans une sorte de championnat FSGT à Turin. Nous sommes en 2015, il a 24 ans, et tape dans l’oeil d’Ezio Rossi, ancien joueur et entraîneur du Torino, à la recherche d’un nouveau banc. Ce dernier lui propose un contrat à Fossino, en cinquième division, dans l’équipe dirigée par un ami. Mais Messias ne peut pas se le permettre financièrement et décline la proposition.

Quelques semaines plus tard, la chance lui sourit. Non seulement Messias obtient un visa mais Rossi, qui vient d’être nommé sur le banc de Casale, autre club d’Eccellenza (D5), le rappelle. Cette fois, la proposition est de 1500 euros par mois, avec les frais d’essence remboursés. Messias abandonne sa carrière de livreur, et se replonge à fond dans le football. Pour exploser. En quatre ans, le milieu offensif brésilien passe de d’Eccellenza à la Serie D (avec Chieri), puis de la Serie D à la Serie C (avec Gozzano) pour découvrir, en 2019-2020 avec Crotone, la Serie B, l’antichambre de l’élite. En partie grâce à lui, Crotone décroche son billet pour la Serie A, et Junior Messias se retrouve donc en 2020-2021 en première division, face à Cristiano Ronaldo et les autres stars du championnat italien.

« Dire que son histoire est miraculeuse sous-entendrait qu’il est ici par chance. Or il le mérite. »

Crotone est relégable toute l’année, mais à 29 ans, le Brésilien parvient à se distinguer, et boucle une saison à neuf but en 36 matchs. Son parcours séduit les médias, son style – un bon dribbleur avec un gros volume de jeu – plait à d’autres clubs. Lors du dernier marché des transferts, Messias est annoncé en contact avec Monza. Mais le 31 août, dans les dernières heures du mercato, c’est l’AC Milan qui l’appelle. Le club rossonero veut renforcer son banc dans le secteur offensif, et a loupé ses pistes prioritaires. Messias a le mérite d’être abordable (prêt payant de 3 millions d’euros et option d’achat de 5 millions), le deal est bouclé en quelques heures. « C’est le rêve d’une vie, explique le joueur lors de sa présentation. Me retrouver ici est une énorme source de fierté et de satisfaction. C’est la récompense de tout le travail et de tous les sacrifices effectués. »

A cause d’un retard dans sa préparation et de quelques soucis musculaires, Junior Messias ne fait qu’une petite apparition début octobre et doit attendre le 20 novembre pour enfiler de nouveau le maillot milanais, et commencer à enchainer les rencontres. La suite est connue. « Dire que son histoire est miraculeuse sous-entendrait qu’il est ici par chance, commentait il y a quelques jours son entraîneur Stefano Pioli. Or Messias est ici parce qu’il mérite Milan. Son éclosion est tardive, certes, mais il a prouvé qu’il a le niveau pour être avec nous. »

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