Émerveiller, pour inciter à agir ! A travers son film « Animal » (en salle le mercredi 1er décembre 2021), le réalisateur Cyril Dion emmène deux adolescents, Bella et Vipulan, à la rencontre de personnalités – scientifiques, militants, agriculteurs… – qui agissent concrètement pour enrayer l’extinction de masse des espèces. Un voyage initiatique qui transforme le regard des protagonistes autant que celui du public. Le cinéaste a confié ses intentions à 30millionsdamis.fr.
Bella et Vipulan. Deux adolescents de 16 ans, l’une née en Grande-Bretagne, l’autre en France. A travers leur regard, le réalisateur de « Demain » (César du meilleur documentaire en 2016, NDLR) porte cette fois-ci à l’écran la mobilisation de la jeune génération contre les menaces qui pèsent sur leur avenir – et sur le nôtre ! « Avec « Animal », j’ai cherché à atteindre la cause première de la catastrophe écologique. On parle beaucoup du réchauffement climatique d’un côté et de l’extinction de masse des espèces de l’autre. Or, ces deux problèmes ont une racine commune : le fait d’avoir considéré que nous étions la seule espèce intéressante sur Terre », confie Cyril Dion, joint par 30millionsdamis.fr.
La bande-annonce officielle du film « Animal ». ©UGC Distribution
Sensibiliser par l’émerveillement
L’objectif du film : sensibiliser le public à ces sujets graves, mais par le biais de l’émerveillement : « Au cinéma, on vit une expérience émotionnelle beaucoup plus puissante. Le dispositif est conçu pour vous immerger complètement, explique Cyril Dion. J’ai voulu que les spectateurs sortent relativement bouleversés, que d’autres visions du monde se développent dans leur tête. » Le 7ème art, un média immersif mais aussi un remède à l’isolement : « Dans notre société ultra-libérale, on peut (presque) tout faire de chez soi : les courses, le travail… et même regarder un film. Le cinéma, au contraire, est un lieu de lien social, souligne le cinéaste. Avec « Demain », on avait vu des gens entamer des conversations en sortant de la salle, ce qui avait même pu mener à des actions ! »
Se reconnecter au vivant, cela doit passer par tous nos sens.
Cyril Dion
Le film s’ouvre sur le chant d’un oiseau menacé d’extinction. Pour le réalisateur, l’immersion dans la beauté du monde animal passe aussi par la dimension sonore : « Nous avons consacré énormément de temps à soigner les sons avec Cyril Holz et Valérie Deloof (respectivement mixeur et monteuse audio, NDLR), reconnaît C. Dion. Beaucoup d’animaux sauvages dans leur milieu naturel ne sont perceptibles que de cette manière : les oiseaux dissimulés dans la végétation, les animaux nocturnes, les baleines en eaux profondes… Bien sûr, cela apporte aussi un impact émotionnel et affectif très puissant. Se reconnecter au vivant, cela doit passer par tous nos sens ! » Un focus sonore qui fait écho à la nouvelle campagne de sensibilisation de la Fondation 30 Millions d’Amis contre la souffrance animale, où les cris de tous les animaux s’unissent en un « appel » commun.
80 % des décisions politiques, orientées en faveur des acteurs économiques
Le plus grand obstacle que nous avons en face de nous, ce sont les intérêts privés qui prennent le pas sur l’intérêt général.
Cyril Dion
Nettoyage des plages envahies par le plastique en Inde, reforestation au Costa Rica… Si les protagonistes du film découvrent des solutions possibles, ils entrevoient également les principaux obstacles à leur combat. A l’instar d’une scène au Parlement européen, où les ados sont confrontés au mutisme d’un lobbyiste en faveur de la pêche industrielle qui vide les océans. « Si [les députés] préfèrent voter pour la pêche industrielle plutôt que de protéger le plus gros poumon de la terre qu’est l’océan, comment leur faire confiance quand une grande décision sera à prendre ? s’interroge Vipulan, cité dans un communiqué. Ce que je ressens après ce passage, c’est qu’une réelle démocratie est vraiment nécessaire. Que nous tous, on ait le pouvoir sur les choses. » « Ce qui est très fort dans cette séquence, c’est le degré de cynisme de ces gens. On a vu les révélations sur Total, Shell, Monsanto, plus récemment sur Nestlé, s’insurge pour sa part le réalisateur. Pour moi, le plus grand obstacle que nous avons en face de nous, ce sont les intérêts privés qui prennent le pas sur l’intérêt général ». Selon une étude de l’université de Yale (Etats-Unis), 80 % des décisions politiques seraient orientées en faveur des acteurs économiques.
Sortir de l’élevage industriel, la « priorité des priorités » !
Les adolescents sont également amenés à rencontrer un éleveur de lapins, dont l’exploitation est située à Nantes (44). Sous leurs yeux effarés, se dévoilent les rangées de cages surpeuplées d’un « élevage-usine ». « Ces animaux vivent dans des conditions indignes, dénonce Cyril Dion. Pour moi, la priorité des priorités, c’est de sortir de l’élevage industriel (comme le souhaitent plus de 8 Français sur 10 selon le baromètre Fondation 30 Millions d’Amis /Ifop*, NDLR). La cause « numéro 1 » de la disparition des espèces dans le monde, c’est la destruction des habitats, elle-même provoquée par l’urbanisation et par l’extension des terres dédiées à l’agriculture et à l’élevage. »
« Détruire le vivant, c’est nous détruire nous-mêmes »
Toute cette vie est surtout d’une beauté incroyable. C’est le symbole de ce pourquoi on doit se battre.
Vipulan
A la racine du problème se trouve, en effet, notre conception de l’animal : « Jusqu’à présent, le monde vivant était considéré comme une ressource inerte, dans laquelle on pouvait piocher pour la croissance économique. En France, avant 2015 (date à laquelle les animaux ont été reconnus en tant qu’« êtres vivants doués de sensibilité » dans le Code civil sous l’impulsion de la Fondation 30 Millions d’Amis, NDLR), l’animal était considéré comme un « bien meuble » dont on faisait ce que l’on voulait, constate Cyril Dion. Désormais, nous comprenons que le reste du monde vivant nous permet d’exister en nous fournissant à boire, à manger, un air pur – ce que les scientifiques appellent « services écosystémiques » – et on pourrait aussi reconnaître que ces espèces ont tout autant le droit d’exister que nous. » « Toute cette vie est surtout d’une beauté incroyable. C’est le symbole de ce pourquoi on doit se battre, affirme pour sa part Vipulan. Ces animaux nous rappellent toute cette diversité et me font prendre du recul : que suis-je, moi, humain, par rapport à tous ces individus ? »
Une fois le constat dressé, que faire pour agir concrètement ? « Maintenant, il nous faut changer la direction que l’on donne à notre société. Or, l’orientation qui me semble émerger du film, c’est la défense du vivant, prône Cyril Dion. Détruire le vivant, c’est nous détruire nous-mêmes. » Ainsi, le changement passerait notamment par notre assiette : « Les Français consomment en moyenne 107 grammes de viande par personne par jour », relève le cinéaste. Selon l’ADEME (Agence de la transition écologique), cela correspond à 4300 m2 en « empreinte sol » (surface nécessaire à produire les aliments destinés aux humains et au bétail, NDLR). « Un régime végétarien représente 3 fois moins d’empreinte sol : c’est autant d’espace libéré qui peut être réensauvagé », souligne le réalisateur.
Repenser notre agriculture, mais aussi notre économie et, plus généralement, nos modes de vie… Un chantier aussi ambitieux que « passionnant » : « Il s’agit d’inventer une histoire où l’humain peut avoir un rôle positif, et ça, c’est génial », conclut le cinéaste. Une note d’espoir et d’optimisme, qui ne peut (ne doit ?) que nous inspirer !
*Etude menée pour la Fondation 30 Millions d’Amis par l’Ifop du 12 au 13 janvier 2021 auprès d’un échantillon de 1013 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Représentativité de l’échantillon assurée par la méthode des quotas.
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