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« Les procédures d’Interpol sont opaques et sans contrôle, ni des Etats, ni de la justice »

Tribune. Tandis que l’Emirati Ahmed Naser Al-Raisi, ancien responsable des forces de sécurité des Emirats arabes unis, visé par plusieurs plaintes pour torture et violations des droits humains, prend ses fonctions de président d’Interpol, il est légitime de s’interroger. Car ce choix, au-delà de la personne qu’il désigne, révélerait-il un dysfonctionnement ? Dysfonctionnement dénoncé depuis quelque temps par les ONG, et dont les avocats que nous sommes ont peu à peu déploré les conséquences en termes de libertés publiques. En particulier lorsqu’il s’agit des « notices rouges », ces avis de recherche internationaux émis par l’organisation, à la demande des pays membres, afin de permettre l’arrestation des personnes recherchées à l’extérieur de leurs frontières, dont usent et abusent les principaux régimes totalitaires. Or, le siège international d’Interpol est à Lyon, ce qui nécessite pour la France le devoir de réagir.

Chacun connaît Interpol : une organisation consacrée à la coopération policière mondiale, qui compte 195 Etats parties, plusieurs pôles régionaux, et un secrétariat général (à Lyon) où travaillent près de 1 000 salariés, avec un budget de fonctionnement de 145 millions d’euros pour 2021.

Mais au-delà de son objectif affiché de « créer un monde plus sûr », les procédures sont opaques et sans contrôle, ni des Etats, ni de la justice. Une absence de garde-fous d’autant plus grave que le manque de transparence crée le risque d’une manipulation possible par les dirigeants autoritaires. La preuve en est rapportée par les plus célèbres de ses instruments – les notices rouges –, instruments terribles, assimilables à des lettres de cachet, parce que très peu motivés et dépourvus de contrôle juridictionnel ou administratif !

Plus de 66 000 notices rouges sont aujourd’hui en circulation, dont moins de 8 000 sont publiques. Ainsi, la plupart des personnes visées ne l’apprennent-elles qu’au moment d’un passage de frontière. Et, avant même qu’elles ne puissent saisir la Commission de contrôle des fichiers d’Interpol (CCF), la coopération policière et judiciaire s’emballe, avec des conséquences graves : arrestations, placements en détention, extraditions vers des Etats parfois peu respectueux des libertés publiques.

Détournement de procédure impuni

En théorie, les notices rouges ne sont émises que lorsqu’elles sont conformes aux règles d’Interpol, à savoir qu’elles ne poursuivent pas d’objectifs politiques et qu’elles respectent les droits fondamentaux. Mais en pratique, les Etats autoritaires sont de plus en plus nombreux à les utiliser contre des opposants politiques ou des figures publiques susceptibles de mettre à mal leur puissance, ce qui est un détournement de procédure, malheureusement impuni.

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