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Le variant Omicron, conséquence directe de l’inégalité vaccinale ?

La découverte récente, en Afrique australe du nouveau variant Omicron est, pour une partie de la communauté scientifique, la conséquence de l’inégalité vaccinale dans la lutte contre le Covid-19. La décision de plusieurs États de fermer leur frontière est, pour certains épidémiologistes interrogés par France 24, une preuve supplémentaire d’une vision « égoïste » de la lutte contre la pandémie des pays dits développés.

Des cas ont été détectés au Portugal, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore en Italie. Le variant Omicron du virus Sars-Cov-2, observé pour la première fois en Afrique du Sud, il y a moins d’une semaine, poursuivait, lundi 29 novembre, sa migration du Sud, sous-vacciné, vers le Nord où il est souvent déjà question de troisième dose. En France, même s’il n’y a aucun cas déclaré à ce jour, Olivier Véran, le ministre de la Santé, a jugé « probable » que cette souche « circule déjà » sur le territoire

Et Omicron affole ces nations qui pensaient voir la lumière au bout du tunnel pandémique grâce à de vigoureuses campagnes de vaccination qui ont permis à plus de 66 % des Européens d’être entièrement vaccinés contre le Covid-19. Le nouveau variant pourrait, en effet, contourner la protection des vaccins du fait des très nombreuses mutations qu’il comporte.

Un facteur clef dans l’émergence du mutant Omicron

Rien n’est encore définitif quant à sa transmissibilité, sa virulence ou sa capacité à résister aux vaccins actuels, mais une douzaine de pays en Europe, Amérique du Nord et Asie ont décidé de fermer leurs frontières aux voyageurs venant de huit pays d’Afrique australe. 

Une décision vivement critiquée par l’Afrique du Sud qui estime être injustement puni pour avoir tiré la sonnette d’alarme. Mais, pour les pays du Nord, il s’agit de garder éloigné, autant que possible, ce nouveau variant venu de l’autre bout du monde, afin de conserver les acquis de la vaccination.

Un nombre grandissant de voix soulignent cependant que c’est la stratégie vaccinale des pays les plus riches et les plus vaccinés qui explique en grande partie l’émergence du variant Omicron. « Malgré les avertissements répétés des organisations sanitaires, notre échec à faire parvenir les vaccins aux pays en développement vient nous hanter [avec ce variant] », a déclaré Gordon Brown, l’ancien Premier ministre britannique et ambassadeur de l’Organisation mondiale de la Santé, le 26 novembre. 

« Il y a de très fortes chances que l’inégalité de répartition des vaccins dans le monde soit un facteur clef pour expliquer l’émergence de cette souche », confirme Michael Head, épidémiologiste spécialiste des maladies infectieuses dans les pays tropicaux à l’université de Southampton, contactée par France 24. 

My thread about data and other threads on #Omicron and #covid19 etc
This tweet highlights likely the variant came from an area with weaker genomic surveillance.
Elsewhere, suggestions Botswana might be the origin (though huge uncertainty). To use that as an example here… https://t.co/qUOxIncGLA

— Michael Head (@michaelghead) November 27, 2021

Depuis l’apparition des vaccins, tous les variants jugés inquiétants « sont apparus dans les zones où la couverture vaccinale est faible, que ce soit au sud de l’Afrique, au Brésil ou encore en Inde », rappelle Mathias Altmann, épidémiologiste à l’université de Bordeaux, contacté par France 24. 

Rien d’étonnant à cela. « On sait que plus un virus circule vite, plus il est susceptible de muter et une faible couverture vaccinale facilite sa propagation », résume Pierre Saliou, professeur agrégé du Val-de-Grâce et spécialiste des questions de vaccination, interrogé par France 24. 

Des « promesses faibles non tenues »

Les pays d’Afrique australe sont clairement à la traîne sur la plupart des autres régions du monde avec des taux de vaccination allant de 3 % pour le Malawi à 26 % pour le Lesotho. « On sait, en outre, que les mutations interviennent le plus souvent au moment des pics de contamination, et, par exemple, il y en eu un au Botswana en août dernier », rappelle Michael Head.

Et si ces pays sont en manque de vaccins, c’est essentiellement « à cause des réserves accumulées depuis l’an dernier par les nations riches et les promesses, déjà faibles, d’en distribuer une partie aux pays en développement qui n’ont même pas été tenues », regrette ce spécialiste britannique des questions de santé sur le continent africain.

Le programme Covax de distribution de vaccins anti-Covid de l’OMS a dû ainsi revoir sérieusement à la baisse ses ambitions par manque de doses fournies par les pays occidentaux. Initialement, il devait permettre d’envoyer deux milliards de doses de vaccins dans les pays qui en ont le plus besoin avant la fin de l’année, notamment en Afrique sub-saharienne. Mais, en septembre l’OMS a reconnu que la distribution s’élèverait au mieux à 1,46 milliards. Même cet objectif semble difficile à atteindre puisque fin novembre, Covax n’a permis d’envoyer que 537 millions de doses aux pays en voie de développement, rappelle le Washington Post. C’est une goutte d’eau comparée aux 7,9 milliards de doses de vaccin contre le Covid-19 administrés dans le monde, note la chaîne américaine d’information en continu CNN.

Ce n’est, en outre, pas qu’une question de quantité. « Ce n’est pas le tout d’avoir les doses qui arrivent sur le tarmac dans ces pays, encore faut-il ensuite savoir comment se fait la distribution », souligne Pierre Saliou. C’est la question des infrastructures sanitaires. Plusieurs pays africains, dont l’Afrique du Sud, demandent depuis des mois de pouvoir davantage produire localement les vaccins afin de faciliter l’accès à ce remède. En vain.

Moderna et BioNTech ont fini par annoncer, respectivement en septembre et octobre 2021, des plans pour construire des usines en Afrique… mais sans donner de calendrier. Ces laboratoires s’opposent, avec le soutien de pays comme l’Allemagne, à ce que les pays en voie de développement puissent fabriquer des génériques de leur vaccin.

Pour les pays africains concernés, les fermetures des frontières décidées par les États du Nord participent de la même logique « égoïste », soulignent les experts interrogés par France 24. « C’est utile dans le sens où ces restrictions à la circulation vont permettre de gagner du temps pour mieux s’organiser chez nous, mais elles ne sont accompagnées d’aucune initiative de soutien aux pays d’Afrique australe afin de leur permettre de mieux combattre l’épidémie », analyse Michael Head.

Le variant Omicron et la réaction du monde à son émergence illustrent à quel point les pays dits développés n’ont pas compris que « la planète ne sera pas en sécurité tant qu’il n’y aura pas de stratégie globale de vaccination », affirme le chercheur britannique. Car peut-être qu’Omicron ne sera pas, au final, résistant aux vaccins disponibles. Mais le soupir de soulagement qui en résulterait ne serait que de courte durée, pour Michael Head, car « sans changement de mentalité, le risque est grand que dans six mois un autre variant qui serait, lui, résistant aux vaccins fasse son apparition ».

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