LETTRE DE BRUXELLES
Des interprètes traduisent les sessions du Parlement européen, à Bruxelles. PARLEMENT EUROPEEN
La France ne désarme pas. Alors que l’anglais s’est imposé à tous les étages des institutions européennes, à l’oral comme à l’écrit, Emmanuel Macron, comme nombre de ses prédécesseurs à l’Elysée, continue à se battre pour que la langue de Molière ne disparaisse pas des enceintes communautaires.
A quelques semaines de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), au premier semestre 2022, le gouvernement prépare une nouvelle offensive. Dans un communiqué du 22 octobre, publié après la remise d’un rapport sur « la diversité linguistique et la langue française en Europe », le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune, et son homologue à la francophonie, Jean-Baptiste Lemoyne, ont annoncé « un plan d’action pluriannuel » pour promouvoir le multilinguisme à Bruxelles.
Il y a quelque chose qui relève du donquichottisme dans ce combat, tant il semble perdu. « La place de la langue anglaise au sein des institutions européennes est devenue prépondérante, voire hégémonique », écrivent les auteurs du rapport, qui ont travaillé sous la direction de Christian Lequesne, professeur de science politique à Sciences Po Paris. Quelques chiffres permettent de mesurer à quel point les vingt-trois autres langues officielles de l’UE ont en effet quasi disparu du paysage communautaire. Et le français, même s’il résiste mieux que les autres, ne fait pas exception.
Ainsi, à la Commission, où sont préparés les projets de directive, en 2019, « 3,7 % des documents envoyés en traduction avaient le français comme langue source, contre 85,5 % pour l’anglais », constate le rapport. Vingt ans plus tôt, 34 % d’entre eux étaient rédigés en français avant d’être traduits. Au Conseil (qui représente les Etats membres), c’est encore pire : en 2018, 95 % des écrits l’étaient d’abord en anglais, 2 % en français… Le Parlement européen a mieux résisté mais la décrue n’en semble pas moins inexorable. En 2019, seuls 11,7 % des documents avaient pour langue de rédaction le français.
« Victor Hugo serait bien déçu »
Dans ce paysage si peu francophile, la Cour de justice de l’UE fait figure d’exception : il n’y a qu’une seule langue de délibéré, et c’est le français. Des débats se tiennent régulièrement pour savoir s’il conviendrait d’en introduire une autre qui serait l’anglais, mais jusqu’ici Paris a gardé l’exclusivité. Ce qui ne va pas sans poser de problèmes très concrets à la Cour de Luxembourg : comme le pointe le rapport de Christian Lequesne, cette situation occasionne « une difficulté dans le recrutement. Le vivier de juges et de collaborateurs (notamment les référendaires) est réduit mécaniquement en raison de la nécessité de recruter des personnes ayant déjà un très bon niveau de français ».
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