C’est dans une salle de cinéma pleine à craquer que la cinéaste afghane Shahrbanoo Sadat a situé la première scène de L’Orphelinat, son second film, sorti en 2019 et sélectionné à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs. Devant l’écran géant, le héros, un jeune adolescent vêtu d’un tee-shirt usé par le temps, s’extasie devant une scène de combat ponctuée de coups de poing vifs et impétueux, et applaudit les actrices pulpeuses aux danses hypnotisantes. Un long-métrage qui prend une résonance particulière avec le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan.
Shahrbanoo Sadat : « Ma société de production, Wolf Pictures, n’existe plus depuis août. Je m’en fiche. Cette société, c’est moi. Elle sera là où moi j’irai ! »
Ce film, elle l’a bâti autour du personnage de Quodratollah, jeune gamin des rues arrêté par la police pour avoir vendu des places de cinéma au marché noir. Envoyé dans un orphelinat, il y fait les 400 coups et y découvre même le désir dans un Kaboul « heureux » des années 1980, avant l’arrivée dramatique des Talibans.
Sa réalisatrice, Shahrbanoo Sadat, était l’invitée spéciale, samedi 20 novembre, du premier jour de festival Films Femmes Méditerranée à Marseille. « Shahrbanoo a fait preuve de persévérance pour voir son film enfin réalisé, estime le producteur Xavier Rocher. Elle a su développer une véritable narration autour d’un cinéma afghan et nous sommes très fiers du résultat.»
Passionnée par les comédies romantiques
Pour la cinéaste, ce récit sert à garder en mémoire l’histoire de son pays. Et cet héritage, elle n’est pas la seule à vouloir le préserver. « Pour vous, c’est un film qui dure 1 h 30, mais pour nous, c’est une histoire de génération, la génération de mes grands-parents, de mes parents, la nôtre et peut-être la prochaine » estime, les larmes aux yeux, Rada Akbar, une photographe afghane réfugiée à Paris depuis août , et venue assister à la projection du film à Marseille.
Une scène de « L’Orphelinat » de Shahrbanoo Sadat ROUGE DISTRIBUTION
C’est à 23 ans que Shahrbanoo Sadat a fondé sa société de production Wolf Pictures. Trois ans plus tard, en 2016, elle réalise son premier film, Wolf and Sheep. Des débuts prometteurs autant qu’inattendus dans un pays comme l’Afghanistan. Paradoxalement, être une femme s’est révélé un atout. « C’était un vrai avantage, explique-t-elle. je n’étais personne, invisible. Les gens ne me prenaient pas au sérieux. J’avais une liberté illimitée pour faire ce que je souhaitais. Je pouvais marcher partout dans Kaboul. Aller d’un endroit à un autre, et juste faire du cinéma. Personne ne se mettait sur mon chemin puisque personne ne me reconnaissait. »
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