L’Argentine a les Mères de la place de Mai, qui réclament inlassablement la vérité sur le sort de leurs enfants disparus durant la dictature militaire. En Russie, c’est un collectif de punkettes, les Pussy Riot, qui fait la nique au régime de Poutine.
Au Liban aussi, les femmes sont à la pointe du combat. Semaine après semaine, l’association féminine Noun impose depuis un an sa présence pacifique, sans illusion mais avec confiance malgré tout, pour que la lumière soit faite sur l’explosion meurtrière de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium survenue le 4 août 2020 au port de Beyrouth. Un drame qui a fait plus de 200 morts et 6 500 blessés et ravagé des quartiers entiers de la capitale.
Dans un pays hautement inflammable, ces pasionarias se sont donné rendez-vous le 17 novembre devant les grilles du Palais de justice. « On ne cherche pas à vous agresser, mais à défendre tous les Libanais contre ce régime qui a tué son peuple… », a clamé l’une des meneuses, Elise Bassil, 59 ans, interpellant le président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, avant de prendre plusieurs juges à partie : « Mettez fin au système d’impunité… Jugez au nom du peuple et non au nom du système ! »
Quelques semaines plus tôt, ces mêmes femmes avaient scellé, à la cire rouge, la porte d’un magistrat soupçonné de freiner l’enquête du juge Tarek Bitar, chargé d’instruire le dossier, malgré une violente politique d’intimidation menée par le Hezbollah.
C’est pour un anniversaire
Agées entre 20 et 60 ans, ces étudiantes, femmes au foyer, commerçantes, pharmaciennes ou avocates donnent de la voix, ignorant les fusils, moquant les carrures intimidantes et les véhicules aux vitres teintées, signes extérieurs de testostérone. Elles se sont rencontrées dans les rues de Beyrouth en octobre 2019, lors d’un soulèvement populaire sans précédent contre la classe politique libanaise, accusée de corruption et d’incurie.
« Si les responsables ne sont pas sanctionnés dans ce dossier, il n’y aura plus aucun espoir pour la justice dans ce pays. » Elvia Saghbini, membre du collectif Noun
Nouée sur le pavé, leur complicité s’est renforcée après la tragédie du port. Le 20 novembre 2020, attablées autour d’un café, elles sont une dizaine à pester contre cette caste qui bâillonne la justice. « On redoutait les pressions politiques pour freiner ou étouffer l’investigation », raconte Paola Rebeiz, consultante en mode et communication. Soudain, l’une d’entre elles lance une idée folle : rendre une visite inattendue au juge Fadi Sawan, alors responsable de l’enquête et depuis remplacé par le juge Tarek Bitar.
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L’article « On sait que vous protégez les coupables, on ne vous lâchera pas » : à Beyrouth, des agitatrices en quête de vérité est apparu en premier sur zimo news.