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Covid-19 : vacciner les enfants de 5-11 ans servirait “juste à protéger les adultes”

Les États-Unis, comme plusieurs autres pays, ont élargi la vaccination contre le Covid-19 aux enfants de 5 à 11 ans. L’Agence européenne du médicament vient, elle, de recommander l’injection du vaccin Pfizer/BioNTech pour cette tranche d’âge. Une validation qui rapproche un peu plus la France de cette éventualité.

Alors que plusieurs pays ont déjà franchi le cap et que les autorités européennes de santé ont donné leur feu vert jeudi, la question de la vaccination contre le Covid-19 des jeunes enfants de 5 à 11 ans est encore en suspens en France. Faut-il, oui ou non, vacciner cette partie de la population ? La balance bénéfice-risque reste incertaine et la question fait débat.

La France enregistre actuellement une forte hausse des contaminations. La vaccination des enfants de 5 à 11 ans, seule tranche de la population encore non vaccinée, pourrait devenir une des options du gouvernement français pour freiner la circulation du virus.

Vaccination qui ne commencerait pas avant 2022, si elle venait à être validée par la Haute autorité de santé et le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a assuré jeudi 26 novembre le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Si les enfants développent peu de formes graves liées au Covid-19, leur rôle dans la propagation du virus ne fait plus de doute et pourrait justifier le recours à ce nouveau moyen.

« Le virus circule incontestablement dans les écoles, entre les enfants, et quand ils reviennent chez eux, il y a de très fortes chances qu’ils transmettent le virus à leur entourage », reconnaît Jean-Paul Hamon, médecin et président d’honneur de la Fédération française des médecins.

Mais ce risque n’est pas prédominant. « Le rôle des enfants dans la circulation du virus existe, il est indiscutable, mais pour autant il n’est pas majeur, et en tout cas, il est beaucoup moins important que celui de leurs aînés », nuance Christèle Gras-Le Guen, chercheuse en épidémiologie et présidente de la Société française de pédiatrie.

Les formes graves restent rares chez les enfants

Si elle s’avèrerait utile pour freiner la propagation du virus, la vaccination des 5-11 ans servirait « juste à protéger les adultes », les enfants étant très peu sujets aux formes graves du Covid-19, estime la pédiatre.

« Le poids de la maladie liée au Covid-19 chez l’enfant et le petit enfant, en particulier les moins de 11 ans, est vraiment modeste. Il y a eu peu d’enfants hospitalisés en soins critiques, seulement une dizaine dont on déplore le décès, et les formes graves de la maladie restent rares. Donc quand on met en parallèle les 120 000 morts chez l’adulte, on voit bien que le poids de la maladie est différent. Le bénéfice directe d’une vaccination chez l’enfant serait minime car cette maladie les affecte très peu », ajoute-t-elle.

Une thèse soutenue par Jean-Paul Hamon : « Pour les enfants, le rapport bénéfice-risque n’est pas en faveur du vaccin. Les enfants font très peu de formes graves et pour le moment, ce rapport est nettement en faveur de l’abstention, sauf pour les enfants qui seraient immunodéprimés ou qui auraient des facteurs de risques importants. Aux États-Unis, où il y a un fort taux d’obésité, il existe un intérêt à vacciner les enfants. En France, pour le moment, on n’en est pas là. »

Profil épidémiologique différent

Les États-Unis, Israël ou encore plus récemment le Canada, ont déjà autorisé ce vaccin pour les 5-11 ans afin de juguler la pandémie. Sur les 28 millions d’enfants concernés aux États-Unis, plus de 10 % d’entre eux ont déjà reçu une première dose de Pfizer, soit 2,6 millions a rapporté jeudi 18 novembre la Maison blanche. En septembre, Cuba est devenu le premier pays au monde à vacciner les enfants dès l’âge de 2 ans.

Pour l’heure, la stratégie vaccinale en France reste distincte.

« On a une situation épidémiologique qui est franchement différente entre les États-Unis et la France, et si j’étais Américaine je ne vous tiendrais pas du tout ce discours. Les États-Unis ont comptabilisé un peu plus de 500 décès d’enfants [pour une population d’environ 330 millions, NDLR] alors que la France en est à une dizaine. Les profils de patients sont différents des nôtres, avec probablement des minorités ethniques qui n’ont pas forcément accès aux soins et dont l’état de santé n’est pas satisfaisant. Ce qui explique que la situation aux États-Unis est très différente », affirme Christèle Gras-Le Guen.

Aux États-Unis, les enfants représentaient moins de 13 % des cas de Covid-19 depuis le début de la pandémie. Ils sont désormais un cas sur cinq, et leur nombre continue de grimper. En France, les 5 millions d’enfants développent entre 5 et 10 fois moins de formes graves du Covid-19 que les jeunes Américains. L’urgence n’est donc pas la même.

Des « effets indésirables potentiels » pas encore écartés

Le manque de recul sur les effets de la vaccination sur les enfants en bas âge interroge. « On a vu durant l’été qu’il y avait dans ce virus des spécificités jamais vues, qui n’ont pas les mêmes effets selon l’âge du patient. Idem pour le vaccin. On a observé des effets secondaires chez l’adolescent différents de ceux qu’on avait observé chez l’adulte. À ce titre, il nous paraît donc indispensable d’attendre d’avoir du recul sur les effets indésirables potentiels du vaccin avant de le proposer à des enfants qui ne vont pas en bénéficier directement », souligne Christèle Gras-Le Guen.

Des inquiétudes en partie balayées par les résultats préliminaires d’un essai clinique mené par Pfizer, qui montrent l’absence d’effets secondaires lourds et ne révèlent que des effets mineurs. « On a été rassurés grâce à deux travaux qui ont été publiés et qui attestent, sur des populations d’environ 4 500 enfants, de l’absence d’effets secondaires graves et fréquents. C’est grâce à ces travaux que le vaccin a pu obtenir l’autorisation de mise sur le marché en Europe. »

« À l’inverse, il reste un point d’interrogation sur l’existence potentielle d’effets secondaires qui seraient rares, qu’on ne pourrait pas voir sur une population de 4 500 enfants, mais qui nécessiteraient des données de pharmacovigilance conduisant à distribuer des millions de doses du vaccin afin de relever tous les effets secondaires potentiels. C’est ce qui avait fonctionné pour l’AstraZeneca, qui avait été identifié début 2021 comme susceptible de provoquer des thromboses et dont l’utilisation avait finalement été modifiée a posteriori. C’est ce qui nous manque aujourd’hui en France chez le petit enfant. On souhaiterait avoir des données de pharmacovigilance qui nous permettraient d’en savoir plus. »

« Ces données vont être collectées par nos collègues nord-américains qui ont commencé à vacciner et qui auront d’ici le mois de décembre délivré des millions de doses. Ce sera un élément supplémentaire pour s’assurer de l’innocuité de ce vaccin dont on connaît l’efficacité. »

« Pas la priorité »

Si la troisième dose de rappel, ouverte à toutes les personnes majeures mardi par le gouvernement, est suffisante pour endiguer la cinquième vague épidémique de Covid-19, comme l’espère le gouvernement, le recours à la vaccination des 5-11 ans pourrait être jugé inutile. « Si tous les adultes jeunes sont vaccinés, le virus circulera moins et tous les sujets susceptibles de faire des formes graves ou de décéder seront protégés. Si on arrive à protéger tous les adultes, on devrait pouvoir se passer de la vaccination des enfants », affirme Christèle Gras-Le Guen. 

Pour celle qui est aussi la cheffe des urgences pédiatriques du CHU de Nantes, la priorité sanitaire des enfants est ailleurs. « Aujourd’hui, nos services de pédiatrie sont tous en tension. On triple les gardes, on revient le week-end pour faire des visites, nos services de réanimation sont plein, on ne sait plus où mettre les malades. La santé des enfants est gravement perturbé par d’autres pathologies dont on ne parle pas beaucoup. Il serait préférable d’économiser ces millions de doses de vaccins contre le Covid-19 pour des enfants qui ne sont pas concernés par cette maladie et mettre cet argent dans la prise en charge de maladies qui les concernent, elles, directement. »

« Vacciner les enfants contre le Covid-19 aujourd’hui n’est pas la priorité et il n’y a pas d’urgence, et s’il faut le faire, on verra plus tard en fonction de l’évolution de la situation. Il y a d’autres cibles prioritaires : la troisième dose est une priorité, vacciner les adultes qui ne le sont pas encore est aussi une priorité, et le respect des mesures barrières bien évidemment », conclut-elle. 

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