François Ecalle est en colère. Ce magistrat de la Cour des Comptes, en disponibilité, a créé une association, Fipeco (Finances Publiques et Economie), qui produit de nombreuses notes sur les comptes publics, les prélèvements obligatoires ou les finances des collectivités locales. Des travaux très utiles, factuels, documentés, très appréciés par les experts et les journalistes qui permettent de décrypter les annonces gouvernementales ou les critiques de l’opposition sur les sujets budgétaires. François Ecalle a demandé à la Direction Générale des finances publiques (Dgfip) de bénéficier, comme de nombreux think tanks, de la réduction d’impôts pour les dons aux associations. La réponse de la Dgfip est tombée: c’est non.
Elle considère que les activités de l’association Fipeco ne représentent pas « un caractère éducatif et scientifique ». Le coup est dur pour François Ecalle. Ses dépenses d’à peine 30.000 euros par an sont financées au deux-tiers par ses propres dons. Les membres de l’association ont plusieurs fois envisagé des développements (recrutement d’un stagiaire, d’un chargé d’étude pour approfondir certains sujets, organisation de conférences…), mais qui s’avèrent impossibles vu les faibles moyens financiers.
Bercy juge que l’association n’a pas de caractère scientifique
Surtout, ce refus paraît arbitraire et injustifié. D’autant que François Ecalle n’avait aucune obligation légale de demander un « rescrit » à la
Surtout, les arguments du refus posent question. D’abord, Bercy avance que Fipeco n’a pas de « caractère scientifique ». « Il doit exister un réel travail de recherche et de réflexion visant à apporter des connaissances nouvelles allant au-delà de simples analyses, synthèses et échanges de points de vue », indique l’administration fiscale. Ensuite, elle déplore l’absence de « caractère éducatif » des travaux de cette association. « La seule mise à disposition du public d’outils permettant la transmission d’un savoir comme un livre, une revue ou un site d’information ne sauraient en elles-mêmes suffire à caractériser une activité éducative au sens de la loi fiscale, rappelle Bercy. Au cas présent, l’association Fipeco met à disposition du public des informations relatives au domaine des finances publiques et de l’économie, des analyses et articles produits par son président. Elle n’assure pas de manière active la transmission d’un savoir. »
Les agents de la Dgfip friands des publications de cette association
Deux arguments très contestables. Les publications Fipeco ne sont pas moins « scientifiques » que celles d’autres think-tanks, comme l’Ifrap ou la Fondation Concorde, qui permettent à leurs donateurs de bénéficier de la défiscalisation de leur obole. Certes, les travaux sont réalisés par un seul expert, François Ecalle, mais ils sont relus par une vingtaine de spécialistes des finances publiques (économistes, magistrats de la Cour des Comptes…), qui les amendent.
Idem pour l’objectif éducatif. Les publications très techniques de Fipeco sont utilisées par de nombreux étudiants et fonctionnaires. « Les fiches et notes Fipeco sont très utilisées par les agents de la Dgfip qui, gratuitement, approfondissent ainsi leur formation et préparent des concours en acquérant un savoir », explique François Ecalle, qui y voit une forme d’ingratitude. Il reçoit un niet de l’administration dont les agents bénéficient de ses travaux.
Un contrôle sur les think tanks totalement défaillant
Au-delà du cas de Fipeco, l’affaire révèle les contradictions et faiblesses du dispositif de contrôle des associations et think tanks, qui se multiplient dans cette période électorale. Ces acteurs peuvent se prévaloir de l’avantage fiscal sans demander d’autorisation à la Dgfip, comme l’a fait le président de Fipeco. « Alors que la délivrance de reçus fiscaux sans agrément préalable est une singularité française, les contrôles réalisés par l’administration fiscale demeurent peu nombreux et peu approfondis », soulignait la Cour des Comptes dans un rapport de décembre 2020.
En clair, l’administration est sévère avec ceux qui la sollicitent mais ne surveille pas l’immense majorité des « boîtes à idées ». Dans son billet, publié ce jeudi 25 novembre sur le sujet, François Ecalle remet ainsi en cause la légitimité de la Direction Générale des Finances Publiques pour contrôler le secteur. Pour juger si une activité est vraiment éducative et scientifique et aussi pour surveiller les « associations qui véhiculent des messages idéologiques ou religieux contraires aux principes républicains », comme le critiquait aussi la Cour des Comptes. Avec les think tanks, comme dans d’autres domaines, l’Etat cumule à la fois un excès de formalisme, dont Fipeco a fait les frais, et un contrôle totalement défaillant.
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