Publié le : 25/11/2021 – 18:06
À l’heure où les combats se rapprochent de la capitale après plus d’une année de guerre entre forces gouvernementales et rebelles dans le nord de l’Éthiopie, les ressortissants étrangers quittent précipitamment le pays, à l’instar d’expatriés français. Témoignages.
Un panneau signalétique « danger » s’affiche en grand sur le site de l’ambassade de France en Éthiopie, flanqué d’un message d’avertissement sans équivoque : « La situation militaire en Éthiopie implique un départ de la communauté française sans délai. Les places sont réservées et financées par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur des vols à destination de Paris jusqu’à la fin de la semaine ». Depuis le 23 novembre, Paris a en effet appelé ses ressortissants à quitter « sans délai » ce pays de la Corne de l’Afrique, où des combats se rapprochent de la capitale après plus d’une année de guerre entre forces gouvernementales et rebelles dans le nord du pays. Selon l’ambassade, plus de 1 000 Français vivent en Éthiopie.
Mercredi, le Royaume-Uni a lui aussi prié les expatriés britanniques à quitter urgemment l’Éthiopie, comme de nombreux autres pays occidentaux l’ont fait. « J’exhorte tous les citoyens britanniques – quelles que soient les circonstances – à partir immédiatement pendant que des vols commerciaux sont facilement accessibles », a déclaré la secrétaire d’État chargée de l’Afrique, Vicky Ford, dans un communiqué. Idem pour les employés internationaux de l’ONU.
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Départs à contre-cœur
Parmi les nombreux expatriés invités à quitter le pays, Bruno, cadre français de 29 ans parti il y a deux ans pour effectuer un CDD de deux ans dans la distribution d’un groupe de médias français à Addis-Abeba. Comme beaucoup d’autres Français, le jeune homme est arrivé par un vol à Paris jeudi, tôt dans la matinée. « Si on m’avait dit il y a encore un mois que j’allais être contraint de rentrer en France, je ne l’aurais pas cru », explique à France 24 le jeune homme, qui a longtemps pensé que le conflit ne dépasserait pas le nord du pays. Pourtant, dès lundi et avant même que l’ambassade de France ne l’appelle à partir, il a pris à regret la décision de quitter l’Éthiopie comme la majorité des expatriés français. « À ma connaissance, il ne reste plus que les membres de l’ambassade, les journalistes et les professeurs. Ces derniers devraient d’ailleurs partir prochainement aussi. » Même constat pour Alexandre, un autre jeune expatrié français, qui boucle sa valise. « Tous nos amis sont partis. Ceux qui restent le font par nécessité du travail ou par choix », explique-t-il sur France 24.
Si les expatriés occidentaux quittent précipitamment le pays, c’est parce que les rebelles ont fait une percée fulgurante ces derniers jours, se rapprochant dangereusement de la capitale. Les troupes sécessionnistes se trouveraient près du col de Debre Sina, à environ 190 kilomètres au nord de la capitale éthiopienne. « La situation s’est dégradée très rapidement depuis la fin du mois d’octobre », observe Bruno, qui comptait s’établir plus durablement à Addis-Abeba à l’issue de son contrat qui devait s’achever dans un mois. Temporairement hébergé par sa sœur à Paris, il est désormais contraint de trouver un nouvel emploi en France. Mais il n’abandonne pas l’idée de retourner un jour en Éthiopie, dès que les conditions sécuritaires seront de nouveau réunies. « Je vais attendre et voir comment évolue la situation. J’ai le sentiment qu’il me reste encore plein de choses à découvrir de ce pays pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur. » En attendant, Bruno espère qu’il n’arrivera rien à ses anciens collègues tigréens. « Parmi les nombreux salariés locaux employés directement par la société, tout le monde ou presque connaissait une personne prise dans une rafle ou déplacée on ne sait où. En Éthiopie, en tant que Blanc, je ne risquais pas grand-chose et je n’avais pas vraiment peur pour moi, mais je craignais pour le sort des Tigréens de la société. »
« Un sentiment de gâchis doublé de peur »
De son côté, le gouvernement continue d’affirmer que la progression du Front de libération du peuple du Tigré est exagérée, dénonçant une couverture médiatique sensationnaliste et des recommandations sécuritaires d’ambassades jugées alarmistes. Le pouvoir a même sanctionné mercredi l’ambassade d’Irlande en expulsant quatre de ses six diplomates à la suite de « positions que l’Irlande a exprimé à l’international (…) sur le conflit et la crise humanitaire en cours en Éthiopie ». Le 5 novembre, l’Irlande s’était jointe à l’appel du Conseil de sécurité des Nations unies, où elle siège comme membre non permanent, à un cessez-le-feu face à l’escalade du conflit et à un dialogue entre les parties. Le 30 septembre dernier, l’Éthiopie avait également expulsé sept hauts responsables de l’ONU pour « ingérence » présumée dans les affaires du pays.
De son canapé d’appoint où il passera sa première nuit parisienne, Bruno jette un regard désabusé sur l’actuelle situation. « On a un sentiment d’impuissance, la situation nous dépasse en tant qu’expatriés. Là-bas, il y a un sentiment de grand gâchis doublé de peur des rafles. Ici, on attend d’en savoir plus sur la tournure que vont prendre les événements, mais on est forcément un peu fatalistes. »
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