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Calais : au moins vingt-sept morts dans le naufrage d’une embarcation

Des migrants débarquent d’un bateau de sauvetage de la Royal National Lifeboat Institution, sur une plage de Dungeness (Angleterre), le 24 novembre 2021. BEN STANSALL / AFP

La Manche aura été particulièrement meurtrière, mercredi 24 novembre, alors qu’au moins vingt-sept migrants sont morts dans le naufrage de leur embarcation, au large de Calais. Le chef de l’Etat Emmanuel Macron avait dans un premier temps annoncé un bilan de trente et un morts, mais celui-ci a été revu à la baisse par le ministère de l’intérieur.

Parmi les victimes figurent dix-sept hommes, dont deux décédés à l’hôpital, sept femmes et « trois jeunes », dont on ignore encore l’âge exact, a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) la procureure de Lille, Carole Etienne. Deux rescapés « apparemment Somalien et Irakien » étaient aussi hospitalisés et devraient pouvoir être entendus sous peu, a-t-elle précisé.

Ce naufrage est le « pire accident », selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, depuis l’envolée, en 2018, des traversées migratoires face au verrouillage croissant du port de Calais et d’Eurotunnel, emprunté jusque-là par les migrants tentant de rallier l’Angleterre.

« La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière », a déclaré, mercredi soir, Emmanuel Macron, demandant aussi « le renforcement immédiat » de Frontex ainsi qu’une réunion européenne d’urgence. M. Macron a promis de « retrouver et condamner les responsables ».

Arrivé sur place en début de soirée, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin a annoncé l’arrestation de quatre personnes soupçonnées d’être « directement en lien » avec le naufrage mais la procureure n’a pas « confirmé cet élément dans le cadre de sa saisine ».

De son côté, le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est dit mercredi « choqué, révolté et profondément attristé » par l’accident. « Nous avons eu des difficultés à persuader certains de nos partenaires, en particulier les Français, d’agir à la hauteur de la situation, mais je comprends les difficultés auxquelles tous les pays sont confrontés », a-t-il déclaré sur Sky News, à l’issue d’une réunion interministérielle. « Je dis à nos partenaires d’outre-Manche que le moment est venu pour nous tous de nous mobiliser, de travailler ensemble pour faire tout ce que nous pouvons pour briser ces gangs », a-t-il ajouté.

Lors d’un entretien dans la soirée, M. Johnson et M. Macron « ont convenu de l’urgence d’intensifier les efforts conjoints pour empêcher ces traversées mortelles », selon un porte-parole de Downing Street.

Une réunion interministérielle est prévue, jeudi matin, autour du premier ministre, Jean Castex, qui a regretté une « tragédie ».

31 500 migrants ont quitté la France par la Manche depuis le début de l’année

« Vers 14 heures, un pêcheur a signalé la découverte d’une quinzaine de corps flottant au large de Calais. Un bâtiment de la Marine nationale a repêché plusieurs corps, dont cinq personnes décédées et cinq inconscientes, selon un bilan provisoire », a détaillé le ministère de l’intérieur. Selon une source proche du dossier, une cinquantaine de personnes se trouvaient à bord de l’embarcation, partie de Dunkerque.

La juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille a été saisie de l’enquête ouverte pour « aide à l’entrée et au séjour irréguliers en bande organisée », « homicides et blessures involontaires » et « association de malfaiteurs ». La procureure de la République de Lille, Carole Etienne, a précisé que les corps allaient être « rapatriés à l’institut médico-légal de Lille pour autopsie ».

Le drame s’est déroulé sur un « long boat », un bateau gonflable fragile, dont le fond souple a tendance à se replier quand il prend l’eau et est surchargé, a-t-on appris auprès des sauveteurs. L’utilisation de ces embarcations particulièrement dangereuses et de mauvaise qualité est de plus en plus fréquente depuis cet été. « Les gens meurent dans la Manche qui est en train de se transformer en cimetière à ciel ouvert, comme la Méditerranée. Tant que l’Angleterre sera en face, les gens continueront à traverser », s’est alarmé Pierre Roques, coordinateur de L’Auberge des migrants, une association de Calais.

« Ce qui s’est passé est un drame horrible », a aussi déclaré le directeur général de l’Office français de l’immigration, Didier Leschi. Il a dénoncé les passeurs « qui essaient, coûte que coûte, de maintenir des camps près de la mer pour faciliter le travail morbide de faire traverser la Manche à des migrants à leurs risques et périls ».

Les tentatives de traversée migratoire de la Manche à bord de petites embarcations ont doublé ces trois derniers mois, avait mis en garde, le 19 novembre, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Philippe Dutrieux. Au 20 novembre, 31 500 migrants avaient quitté les côtes depuis le début de l’année et 7 800 migrants avaient été sauvés, avait-il affirmé. Selon Londres, 22 000 migrants ont réussi la traversée sur les dix premiers mois de l’année. L’agence de presse britannique PA a estimé ce chiffre à plus de 25 700, soit trois fois plus que sur toute l’année 2020.

Six morts en 2020, quatre en 2019

M. Dutrieux explique notamment ce phénomène par « le cynisme des organisations qui sont derrière ces passages, qui jettent à l’eau des migrants parce que c’est une entreprise qui rapporte bien ». Avant ce naufrage, le bilan depuis le début de 2021 s’élevait à trois morts et quatre disparus dans des traversées de la Manche. En 2020, six personnes avaient trouvé la mort et trois autres avaient été portées disparues. Quatre décès avaient été recensés en 2019.

Ces traversées constituent un sujet de tension régulier entre Paris et Londres, les autorités britanniques estimant insuffisants les efforts français pour empêcher les migrants d’embarquer, malgré le versement d’aides financières. Marquant un durcissement promis dans le cadre du Brexit, le gouvernement du Royaume-Uni a commencé à faire adopter un projet de loi controversé qui réforme le système d’asile et prévoit de durcir les sanctions contre l’immigration clandestine, portant notamment la peine maximale encourue par les passeurs à la prison à vie, contre quatorze ans actuellement.

« Ça fait des années qu’on dénonce et alerte sur la dangerosité de la situation à la frontière », en chiffrant à « plus de 300 » le nombre de migrants morts sur le littoral depuis 1999, a, de son côté, réagi Charlotte Kwantes, responsable d’Utopia56. « Tant que des voies de passage sûres ne seront pas mises en place entre l’Angleterre et la France, ou tant que ces personnes ne pourront pas être régularisées en France, que [Gérald] Darmanin vienne ou pas à Calais, il y aura des morts à la frontière », a-t-elle déclaré.

Le Monde avec AFP

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