La photographie du sourire complice échangé entre le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed Ben Zayed Al Nahyane (dit « MBZ »), patron de fait des Emirats arabes unis (EAU), fera date. La rencontre qui a eu lieu à Ankara, mercredi 24 novembre, au palais présidentiel de Bestepe, constitue une première depuis 2012. Elle amorce une détente entre ces deux hommes forts aux ambitions rivales, qui, durant une décennie, se sont combattus par alliés interposés sur de nombreux théâtres de crise au Moyen-Orient.
« MBZ » a annoncé la création d’un fonds d’investissement de 10 milliards de dollars (8,9 milliards d’euros) pour soutenir l’économie turque et la signature de dix contrats. Bien que le contenu des accords n’ait pas encore été communiqué, l’agence de presse émiratie WAM parle « d’investissements stratégiques » dans des secteurs comme la logistique, l’énergie, la santé et l’alimentation.
Les deux pays sont déjà liés par des accords économiques et commerciaux, héritage de l’époque où leurs relations étaient excellentes. Les EAU possèdent des parts dans des géants comme Trendyol (site de vente en ligne) et Getir (entreprise de livraison), qui dominent le marché turc. La chute spectaculaire de la livre turque sur les marchés crée des occasions dont les gros investisseurs émiratis pourraient profiter.
La rencontre entre les deux dirigeants confirme la recomposition géopolitique en cours au Proche-Orient, entamée au début de l’année, avec la levée de l’embargo infligé au Qatar par ses voisins du Golfe. La logique des blocs qui structuraient la région depuis les « printemps arabes » de 2011, avec d’un côté l’axe saoudo-émirati, fer de lance de la contre-révolution, et, de l’autre, l’axe turco-qatari, sponsor des Frères musulmans, s’effrite progressivement. La région revient à une diplomatie plus fluide, même si les griefs accumulés entre les deux camps sont loin d’être tous résolus.
« Assurer la prospérité économique »
Durant les dix années très mouvementées qui ont suivi les soulèvements de 2011, la Turquie et la fédération émiratie ont chacune tenté d’avancer leurs pions dans la région, la première au nom d’un néo-ottomanisme ombrageux, la seconde au nom de l’antiterrorisme et de la stabilisation autoritaire. Cet aventurisme diplomatique les a amenés à soutenir systématiquement des camps opposés, que ce soit en Egypte, en Tunisie et surtout en Libye, où Ankara parraine le camp tripolitain, contre le maréchal Haftar, champion de la Cyrénaïque, qui a les faveurs des EAU.
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