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La société civile afghane étouffée à huis clos

Par Ghazal Golshiri

Publié aujourd’hui à 12h00

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ReportageUn groupe de femmes raconte la montée progressive des mesures d’intimidation et de répression des talibans.

Les premières semaines après que les talibans ont repris l’Afghanistan, le 15 août, des femmes sont descendues dans la rue des grandes villes pour protester contre les lois misogynes des nouveaux maîtres du pays. Le 26 octobre, à Kaboul, lorsque quelques dizaines d’Afghanes se sont réunies, elles ont cette fois été très rapidement encerclées par des forces talibanes. « Comme s’ils étaient au courant de l’heure et de l’endroit de la manifestation, se souvient la poétesse et militante des droits des femmes Hoda Khamosh, rencontrée chez elle à Kaboul. Ils nous ont lancé : Si vous levez la voix, nous allons vous flinguer ! Ensuite, ils ont sorti une liste et commencé à lire nos noms, avec nos adresses bien précises. J’étais la neuvième sur la liste. Les talibans nous ont dit : Nous allons vous tuer, mais aussi vos familles ! Comment ont-ils pu obtenir toutes ces informations ? C’est à ce moment-là que nous avons vraiment pris peur. »

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Depuis, d’autres incidents ont empêché les militantes des droits des femmes de sortir dans la rue. Le 5 novembre, les corps criblés de balles de quatre militantes, toutes originaires de la ville de Mazar-e Charif (nord), ont été trouvés dans une fosse. L’une des victimes, Forouzan Safi, était très active dans les manifestations contre les talibans dans cette ville. Selon ses amies qui préfèrent rester anonymes, cette Afghane de 29 ans et les trois autres femmes – dont les familles ne veulent pas révéler l’identité – ont été contactées par une organisation active dans la défense des droits humains qui leur avait donné rendez-vous en vue de leur évacuation d’Afghanistan.

Forouzan Safi a alors quitté sa maison avec ses diplômes et son passeport. Quelques jours plus tard, son visage ayant été défiguré par balles, elle a été identifiée par les vêtements qu’elle portait. Les talibans ont annoncé l’arrestation de deux suspects qui auraient avoué avoir attiré ces femmes dans une maison. Mais il n’est pas clair si les suspects ont reconnu les meurtres. L’affaire a été envoyée devant la justice, a assuré un porte-parole des talibans.

Disparitions et arrestations

Or, pour Hoda Khamosh et ses amies, il n’y a pas de doute : les talibans eux-mêmes sont derrière ces meurtres. Ce 11 novembre, assises dans une pièce du minuscule appartement de la poétesse, situé dans un immeuble très modeste dans l’ouest de Kaboul, une petite dizaine de ces militantes ne parlent que des disparitions ou des arrestations de membres de la société civile et des intimidations qu’elles-mêmes ont subies. « Hier, les talibans ont arrêté trois militants, hommes et femmes. Aujourd’hui, quatre autres ont été interpellés », explique l’une des femmes. « Farid Silani, un militant de la société civile qui luttait contre les mariages forcés, a été arrêté dans son bureau hier. Depuis, son téléphone portable est éteint », lance une autre.

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