Le gouvernement a confirmé mardi avoir accordé une aide de 3,9 millions d’euros au groupe indien Electro Steel, spécialiste de canalisations en fonte, pour financer son usine à Arles (Bouches-du-Rhône), au grand dam d’élus et industriels lorrains qui craignent pour son concurrent français Pont-à-Mousson (Saint-Gobain).
« Le groupe Electro Steel souhaite implanter un site en Europe. Nous avons regardé le dossier et décidé d’attribuer 3,9 millions d’euros (…) au titre du plan de relance pour faire cette implantation avec création de 190 emplois à Arles » a déclaré mardi le ministre des comptes publics Olivier Dussopt lors de la séance des questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, en réponse à une question à la députée Caroline Fiat (LFI).
En Lorraine, où est implanté le concurrent français d’Electro Steel, Pont-à-Mousson, l’attribution de cette aide suscite depuis plusieurs semaines la colère de responsables industriels, de syndicats de salariés et d’élus lorrains de tous bords qui craignent pour l’emploi local.
« Les canalisations et les produits qui vont être créés ne sont pas en concurrence avec les produits de Pont-à-Mousson » a répondu M. Dussopt, estimant qu’il s’agissait au contraire d’un projet de « relocalisation » industrielle, puisque les produits fabriqués en France par Electro Steel allaient « remplacer ceux qui était importé d’Inde » auparavant.
« C’est un projet qui va nous rendre moins dépendant d’importations » a-t-il affirmé.
Il a aussi souligné que le groupe Saint-Gobain avait lui-même reçu 10 millions d’euros d’aide publique dans le cadre du plan de relance.
Dans ce paquet, « 2,5 millions d’euros » ont été attribués à Pont-à-Mousson pour créer « le plus grand four électrique bas carbone en Europe », qui sera « plus important en taille que celui d’Electrosteel », a précisé un conseiller de Bercy mardi soir à l’AFP.
Le groupe indien avait annoncé en juin l’extension de son site d’Arles où il est implanté depuis 2001, ainsi qu’un projet de production décarbonée de tuyaux à partir de gisements de ferrailles européens, en les transformant dans ses fours électriques. L’ambassadeur d’Inde en France Jawed Ashraf s’était rendu à Arles fin mai.
L’usine ElectroSteel doit fabriquer « entre 60 à 80.000 tonnes par an dont la moitié pour le marché français, et l’autre pour le marché du Moyen-Orient et de l’Afrique » a indiqué Bercy mardi soir.
Le logo de Saint-Gobain à l’usine de Pont-à-Mousson, le 12 avril 2016 (AFP/Archives – SEBASTIEN BOZON)
En Lorraine, syndicats, patronat, et élus s’inquiètent pour l’avenir de l’usine historique Pont-à-Mousson près de Nancy, qui fabrique des tuyaux et des plaques d’égout en fonte ductile. Elle avait failli être rachetée par des Chinois en 2019.
– « coup de poignard » –
Hervé Bauduin, président du patronat de la métallurgie (UIMM) de Lorraine, a écrit une lettre ouverte datée du 9 novembre et adressée à Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher à Bercy, dans laquelle il estime que l’aide attribuée à Electro Steel constitue un « coup de poignard dans le dos » de la Lorraine.
Il leur demande « d’ajourner ce projet d’implantation ».
Ce serait un « contre-sens économique suicidaire » notamment car cette entreprise « produirait les mêmes éléments que Saint-Gobain PAM dont les usines ne sont chargées qu’à hauteur de 50% de leur capacité » estime le responsable dans sa lettre.
Le patron de Saint-Gobain, Benoit Bazin a lui aussi pris la plume pour écrire à Bercy. La réponse est « en cours de rédaction » a ajouté la source à Bercy.
« Nous mesurons l’importance de Pont-à-Mousson et le rôle emblématique de l’usine pour le tissu industriel en Lorraine » a souligné un conseiller du ministère de l’Industrie mardi soir.
« Mais si la France ne les avait pas soutenus pour leur implantation, Electro Steel se serait de toute façon implanté en Europe, probablement dans un pays à bas coût: On n’aurait pas eu les emplois, mais on aurait eu la concurrence » a justifié le conseiller.
Selon lui, l’industriel indien a pris la décision de fabriquer en Europe pour échapper aux barrières douanières mises en place par l’Europe.
De plus, a-t-il dit, « selon les règles européennes, on ne peut pas utiliser des aides d’Etat pour discriminer une entreprise au bénéfice d’un acteur historique ».
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