Le match entre l’OL et l’OM a été interrompu après quelques minutes de jeu seulement puis finalement définitivement arrêté ce dimanche, en raison de jets de projectiles dont un qui a touché Dimitri Payet. A suivi un énorme imbroglio autour de la reprise/non-reprise du match. Récit détaillé d’une bien triste soirée.
C’est une bien belle soirée qui s’annonçait au Groupama Stadium, avec un choc alléchant entre l’OL et l’OM pour clore la 14e journée de Ligue 1. L’affiche promettait du beau jeu, sous l’impulsion des choses mises en place par Peter Bosz d’un côté et Jorge Sampaoli de l’autre. Il y avait aussi l’enjeu sportif autour des places européennes et sur le podium.
Les compositions d’équipes sont classiques et tout le monde salive d’avance à l’idée de voir Lucas Paqueta et Dimitri Payet, peut-être les deux joueurs qui ont le plus impressionné depuis le début de la saison, évoluer sur la même pelouse. Pour limiter les risques de débordements, les supporters marseillais – comme de nombreux visiteurs dans la plupart des stades français – étaient interdits de déplacement. Toujours dommageable pour l’ambiance mais une mesure de précaution. L’atmosphère était tout de même intense et les supporters lyonnais n’avaient pas oublié la tradition de siffler les joueurs phocéens à leur entrée sur le terrain pour l’échauffement. Après tout, l’Olympico tient son attrait du sportif mais aussi de l’aura autour de ce match réputé bouillant.
Ruddy Buquet est au sifflet et le coup d’envoi est donné dans le fracas d’un stade qui vibre. A ce moment-là, personne ne se doute que le match va en fait durer… moins de trois minutes.
3e minute, premiers projectiles sur Payet
3e minute d’OL-OM. Dimitri Payet se positionne au poteau de corner, sous les insultes d’une partie du public. Et déjà, on sent qu’il y a quelque chose qui cloche, car le meneur de jeu ne tire pas son corner. Anthony Lopes sort d’ailleurs de son but, s’approche un peu de la zone (en restant dans la surface de réparation), comme pour mieux distinguer ce qu’il se passe. Sur le flux TV, un gros plan est fait sur l’arbitre, Ruddy Buquet, qui fait la moue. Un premier avertissement est adressé aux tribunes.
L’arbitre Ruddy Buquet au moment de la première interruption d’OL-OM © Capture écran Amazon
Des projectiles ont été lancés sur Dimitri Payet, qui s’éloigne alors du coin du terrain. A noter qu’il n’y avait pas de filets mis en place, comme ce fut le cas lors d’OM-PSG, pour éviter l’arrivée d’éventuels projectiles sur la pelouse. Le Marseillais, déjà victime d’incidents violents lors du match (arrêté lui aussi) entre Nice et l’OM en août, vient échanger avec Houssem Aouar, alors que l’arbitre semble se désoler de constater qu’il y a déjà des incidents après seulement deux minutes de jeu. Les chants insultants se font fortement entendre, ils ciblent tantôt Payet tantôt Ruddy Buquet. Le speaker appelle alors les supporters lyonnais au calme.
La discussion entre Guendouzi et Buquet pendant OL-OM © Capture écran Amazon
Suivent alors des secondes de flottement. Les joueurs semblent petit à petit se remettre en place pour le corner mais Mattéo Guendouzi vient voir l’arbitre et lui adresse des mots fermes, en mettant son doigt à l’oeil. Lucas Paqueta, qui lève les bras en l’air comme pour dire qu’il ne comprend pas, vient à la rencontre du milieu de terrain phocéen, Bruno Guimaraes lui adresse quelques mots. Mais tout le monde se replace pour le corner, tandis que Ruddy Buquet discute avec les capitaines Aouar et Payet. Ce dernier repart au poteau de corner en trottinant, tandis que le délégué de la rencontre se rend près de la tribune.
La bouteille d’eau sur Payet
Dimitri Payet touché par une bouteille lors de l’Olympico © Capture écran Amazon
3’59 au chronomètre quand Dimitri Payet reçoit une bouteille d’eau sur la tête. Des images ayant filtré sur les réseaux sociaux montreront plus tard le geste très précis de l’individu. Lequel, grâce au dispositif de sécurité et aux caméras mis en place dans le stade – dispositif accru pour ce match – est très vite repéré, interpelé et évacué du stade.
Dimitri Payet s’écroule au sol, en se tenant la tête. Les images au ralenti montrent parfaitement l’impact de la bouteille sur l’arrière de son crâne, à pleine vitesse. Duje Caleta-Car est le premier arrivé auprès du capitaine marseillais, se penchant vers lui pour prendre des nouvelles après avoir adressé des mots en direction de la tribune. L’arbitre arrête évidemment tout et se dirige vers le meneur de jeu, au sol. Les joueurs des deux équipes arrivent rapidement, notamment Anthony Lopes.
Payet soigné, Lopes tente de calmer la foule
Payet au sol, Guendouzi et Caleta-Car avec l’arbitre, Lopes calme la foule en arrière-plan © Capture écran Amazon
Deux soigneurs de l’OM se pressent pour venir aider Dimitri Payet. En arrière-plan, Anthony Lopes, l’air dépité, fait face au virage pour tenter de calmer tout le monde. Pendant ce temps, Mattéo Guendouzi et Duje Caleta-Car demandent des comptes à l’arbitre. Plusieurs stadiers arrivent. Les joueurs marseillais se regroupent près de Payet.
Alvaro Gonzalez, remplaçant, déboule. Il indique directement à ses coéquipiers de l’OM de rentrer au vestiaire. Ruddy Buquet, dans la seconde qui suit, fait un signe vers le vestiaire et demande aux joueurs des deux équipes de quitter le terrain. Les esprits s’échauffent un peu et des membres du staff marseillais arrivent pour accompagner les joueurs vers le couloir. Pendant ce temps, Anthony Lopes prend des nouvelles auprès de Dimitri Payet, autour de qui les membres des deux équipes s’attroupent.
Jorge Sampaoli s’agace face à Ruddy Buquet © Capture écran Amazon
Jorge Sampaoli presse le pas pour rejoindre la zone. Il vient directement voir l’arbitre, qui lui signifie qu’il renvoie tout le monde au vestiaire. Le technicien argentin se rapproche de Payet, toujours au sol en train de se faire soigner. Les supporters hurlent « Payet, on t’enc*** » tandis que les joueurs commencent à regagner le couloir du Groupama Stadium.
Tout le monde au vestiaire, Payet rentre avec une poche de glace
Payet quittant le terrain lyonnais après avoir reçu un projectile © Capture écran Amazon
« Hey mais c’est flippant, entend-on dans les rangs phocéens, sur les images captées par Amazon dans le couloir. Une civière est amenée auprès de Payet, qui se remet finalement debout pour passer le protocole commotion avec un membre du staff médical. Une poche de glace lui est appliquée sur la tête, le temps de l’évacuer en direction du vestiaire. Il adresse alors quelques mots agacés à l’arbitre. Cela fait alors environ cinq minutes que le match est interrompu.
Les joueurs de Lyon regardant le jet de projectile sur un écran © Capture écran Amazon
Dans le couloir, on aperçoit notamment le président de l’OM Pablo Longoria et Jacques Cardoze, directeur de la communication du club. On voit aussi plusieurs joueurs de Lyon, dont Houssem Aouar, Emerson Palmieri ou Jerome Boateng, en train de regarder, sur un écran, le ralenti du jet de projectile sur Payet. Jean-Michel Aulas est lui encore assis en tribune, l’air désabusé.
Le début d’une très longue attente
Commence alors une attente qu’on pensait courte… et qui sera interminable. Consultant pour Amazon, diffuseur de la rencontre, Thierry Henry n’hésite pas: « Ce n’est pas ce que j’aimerais que les Anglais, les Espagnols ou les Italiens voient du championnat français. Ça fait une grosse tâche sur le championnat. » Avant d’aborder la question d’éventuelles sanctions, sur fond de comparaison avec l’Angleterre. « En Angleterre, tu es suspendu à vie. Ce n’est pas un mois, six mois. C’est à vie. Ça change la donne », poursuit le champion du monde, qui se dit « choqué » du traitement réservé à Dimitri Payet.
Sidney Govou, ancien Lyonnais, y va de son tweet de dégoût: « Une honte! On en finira jamais si on ne sanctionne pas tout de suite le ou les coupables! Encore plus honteux les Payet Payet on t’enc*** après ça! » Peu après, l’ancien coach de l’OM André Villas-Boas s’énerve sur Instagram.
La story de Villas Boas sur les incidents © Instagram
Un désaccord initial entre l’arbitre et les autorités autour de la reprise du match
Le diffuseur annonce que les dirigeants des deux équipes sont en cellule de crise et que Ruddy Buquet ne veut pas reprendre la rencontre. Les autorités, elles, souhaitent une reprise, notamment pour des questions d’ordre public. Et c’est ce désaccord qui va engendrer plusieurs rebondissements et alimenter la colère post-match. Pendant ce temps, on décrit un Payet très choqué par la scène, qui lui rappelle en prime les violents incidents de Nice, où il avait déjà été pris pour cible.
L’OM ne veut pas reprendre, Payet très choqué
A 21h55, Steve Mandanda, Jorge Sampaoli et son adjoint se rendent dans le vestiaire des arbitres. Ruddy Buquet a demandé à voir Pablo Longoria et un joueur. L’OM a choisi Mandanda car Payet n’était « pas en état psychologique », selon le club. Choqué, le meneur de jeu n’est pas disposé à jouer.
Grosse pression des autorités et du préfet, selon l’OM, pour reprendre la partie. De source marseillaise, le vestiaire olympien n’est pas en état psychologique de reprendre le match et demande à l’arbitre de venir le constater. En cas de reprise de la rencontre, l’équité ne serait clairement pas respectée, selon les membres de l’OM.
L’annonce de la reprise du match avec avertissement au public
Le message d’avertissement au public lyonnais © Capture écran Amazon
A 22h05, le speaker vient faire une annonce: il explique au public que le match va reprendre mais qu’il sera définitivement stoppé « au prochain incident ». Un message est d’ailleurs diffusé dans le stade, en guise d’avertissement. Quelques instants plus tard, les joueurs de Peter Bosz sont de retour sur la pelouse, pour un échauffement avant ce qu’ils pensent être une reprise du match.
« Suite à l’interruption provisoire du match OL-OM, une cellule de crise a rassemblé les autorités, les clubs et le arbitres, écrit le Préfet de région sur Twitter. Contrairement à ce que certaines rumeurs laissent entendre, la décision de reprise du match n’appartient pas au préfet. Elle appartient au seul arbitre. »
La colère d’Alvaro au moment de l’annonce de la reprise
La colère d’Alvaro, qui frappe la porte © Capture écran AmazonLa colère d’Alvaro, Aulas à côté © Capture écran Amazon
Amazon diffuse alors des images d’Alvaro Gonzalez dans les couloirs du stade. Le défenseur explose de colère, en frappant du pied dans une porte avant d’adresser des paroles de colères à des gens dans la pièce. Jean-Michel Aulas était présent dans cette partie de la zone. Une colère qui laisse penser qu’il vient d’être informé de la reprise imminente du match, alors que les Marseillais souhaitaient son arrêt définitif.
Les joueurs de l’OM se sentent trahis, l’arbitre va constater leur état
Les joueurs de Jorge Sampaoli ne sont toujours pas sur le terrain pour l’échauffement et on apprend, via le diffuseur, que Ruddy Buquet va se rendre dans leur vestiaire pour constater l’état psychologique des Marseillais, notamment de Dimitri Payet. Les joueurs de l’OM n’y croient pas et sont choqués par la décision de reprendre la rencontre. Ils se sentent trahis car l’arbitre avait promis qu’il prendrait en compte leur état psychologique et qu’il ne voulait pas reprendre.
Peu après 22h20, les Lyonnais… rentrent finalement au vestiaire. On commence alors à comprendre que la reprise annoncée du match n’aura peut-être pas lieu.
Le communiqué de la LFP
A 22h22, le communiqué de la Ligue de football professionnel (LFP) est envoyé aux rédaction. L’instance « condamne » évidemment les incidents, dans la lignée de plusieurs autres ayant déjà marqué le début de la saison de Ligue 1, et annonce une réunion « d’urgence » de la commission de discipline dès ce lundi. En outre, la LFP « regrette dans ces conditions la décision de reprise de la rencontre Olympique Lyonnais – Olympique de Marseille par le Préfet de région comme c’était déjà le cas pour AS Saint-Etienne – Angers SCO »: une façon de laisser entendre que la décision de reprendre le match ne vient pas de l’arbitre.
L’annonce de l’arrêt définitif du match
Les spectateurs semblent avoir compris: le Groupama Stadium s’est largement vidé et plus personne ne croit vraiment en une reprise du match. Surtout à cette heure tardive. Aux alentours de 22h40, près de deux heures après le coup d’envoi du match, le speaker lyonnais est de retour sur le bord du terrain, micro en main. Il annonce cette fois l’arrêt définitif du match et demande à ceux qui sont restés en tribune de quitter l’enceinte.
Aulas, le premier à parler
L’épilogue de la soirée? Pas vraiment. Car les réactions sont nombreuses, dans la foulée de cette décision. Le premier à prendre la parole, c’est Jean-Michel Aulas. Sur Amazon, le président de l’OL donne sa version des faits au sujet de l’imbroglio entre reprise et non reprise de la rencontre. S’il dit ne rien avoir contre la décision d’arrêter définitivement le match, le dirigeant regrette fortement ce changement d’avis, sous la pression des Marseillais selon lui et alors que l’individu qui avait jeté la bouteille sur Payet avait été vite évacué et interpelé.
« La question était de savoir pourquoi ça a été si long, s’interroge Aulas. On s’est réunis avec le préfet, la Ligue représentée par ses délégués et c’est l’arbitre qui a pris la décision. D’ne part parce qu’il n’y avait aucun risque de jet de projectiles avec des solutions mises en place et l’auteur a été appréhendé. La longueur de la décision est incompréhensible. On a laissé penser aux personnes présentes dans le stade qu’on pouvait reprendre avant de finalement ne pas reprendre, pas sous la pression d’une bouteille mais des dirigeants de Marseille, qui ne voulaient pas reprendre. » A noter qu’il a également présenté des excuses à Dimitri Payet.
Longoria parle d’une « soirée noire » pour le football
Dans la foulée, le président de l’OM, Pablo Longoria, vient lui aussi parler sur Amazon: « La position du club est que c’était que ce soit l’arbitre qui prenne la décision. Sa décision sportive était de faire arrêter le match. On a demandé de constater l’état psychologique de nos joueurs. C’est une soirée noire de football, on ne peut pas accepter », regrette le dirigeant, qui décrit un Payet « touché psychologiquement ».
La version de l’arbitre
Troisième acteur à prendre la parole chez le diffuseur: Ruddy Buquet. « Ma décision sportive a toujours été de ne pas reprendre le match, assure l’arbitre. Il a été évoqué des risques de troubles à l’ordre public, qui ont été pris en considération dans un premier temps. Mais je maintiens que ma décision était de ne pas reprendre la partie. Après, il y a d’autres considérations à prendre en compte. Mais ma décision était d’arrêter la rencontre, pour des raisons sportives évidentes. Il y a beaucoup de considérations à prendre en compte en termes de sécurité. Il y a un stade plein, l’évacuation des joueurs… Mais in fine, la décision de ne pas reprendre, c’est moi qui l’ai prise. »
Reste un flou entre sa décision initiale de stopper le match et sa décision finale de non reprise, autour du dialogue avec les autorités pour éviter tout risque concernant l’ordre public: Ruddy Buquet a-t-il bien, à ce moment-là, changé sa décision pour opter pour une reprise du match? C’est la version du préfet de région et d’Aulas, c’est aussi ce que laisse penser la colère d’Alvaro dans le couloir. Même s’il reste encore de l’ombre autour de cette affaire.
La colère d’Aulas
Jean-Michel Aulas arrive en direct sur RMC, dans l’After Foot. Et sa colère est énorme, en entendant les doutes concernant cet imbroglio: le président de l’OL est accusé de mentir au sujet de la prise de décision de reprendre le match, lui assure que l’arbitre avait changé sa décision en dialogue avec les autorités.
Dans le même temps, le compte Twitter du préfet de région Auvergne Rhône-Alpes en remet une couche sur la décision de reprise du match: « Mise au point concernant le match OL-OM: 1. Suite à l’incident, une réunion de crise est organisée , en présence des arbitres, du préfet, de la vice-Procureure, du DDSP et des présidents des deux clubs. L’arbitre décide de reprendre le match. 2. Près d’1heure après, la LFP se défausse et publie un communiqué disant que la décision de reprise émanait du préfet du Rhône. FAUX. Cette décision a été prise par l’arbitre en présence des autorités et des présidents de club. 3. L’arbitre invite ensuite les autorités et les présidents de clubs dans son vestiaire pour dire qu’il change d’avis et qu’il stoppe la rencontre. »
La soirée s’achève et toute la lumière n’est pas encore faite. Cet imbroglio aurait presque tendance à éclipser un peu la gravité des incidents intervenus dans ce match. Des incidents qui viennent après ceux de Montpellier-OM, de Nice-OM, de Saint-Etienne – Angers, Angers-OM, Lens-Lille… la liste commence à devenir très longue.
« Ce qui s’est passé à Lyon est inadmissible. Je pense d’abord au joueur agressé. Dimitri Payet a mon soutien total. Il faut des sanctions et une prise de conscience, générale, immédiate et radicale de tous les acteurs du football. On ne peut pas laisser des joueurs se faire agresser ainsi. De tels actes doivent entraîner a minima l’arrêt automatique des matchs », écrit en fin de soirée la ministre déléguée chargée des Sports, Roxana Maracineanu. Il en aura fallu des gouttes d’eau pour faire déborder un vase aussi plein.
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