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Lutte contre le terrorisme : l’Egypte détourne des renseignements fournis par la France pour cibler des civils, selon « Disclose »

L’Egypte utilise-t-elle des renseignements fournis par la France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour cibler des civils ? C’est ce qu’affirme le média d’investigation Disclose, qui a eu accès à des « documents confidentiel défense ».

Selon Disclose, la mission de renseignement française « Sirli », débutée en février 2016 au profit de l’Egypte au nom de la lutte contre le terroriste, a été détournée par l’Etat égyptien, qui se sert des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de trafiquants présumés à la frontière avec la Libye.

Les gouvernements informés

« En principe, la mission (…) consiste à scruter le désert occidental pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye », à l’aide d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) loué à la direction du renseignement militaire (DRM), détaille Disclose, qui a déjà publié des révélations embarrassantes pour les armées françaises.

« Théoriquement, les données recueillies devraient faire l’objet de recoupements afin d’évaluer la réalité de la menace et l’identité des suspects. Mais, très vite, les membres de l’équipe comprennent que les renseignements fournis aux Egyptiens sont utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande. Une dérive dont ils vont alerter leur hiérarchie à intervalles réguliers », en vain, poursuit le média en ligne.

La DRM et l’armée de l’air s’inquiètent, en effet, des dérives de l’opération, comme en témoigne une note transmise à la présidence française, le 23 novembre 2017, reproduite par Disclose : « Par manque de moyens de surveillance, l’identification des pick-up ne peut être effectuée sans autre élément d’appréciation que le survol initial dont ils ont fait l’objet. Aussi, l’identification de certains véhicules et les frappes d’interdiction qui en découlent pourraient être soumises à caution. »

Une autre note datée du 22 janvier 2019, à l’attention de la ministre des armées, Florence Parly, avant une visite officielle en Egypte avec le président français, Emmanuel Macron, signale « des cas avérés de destruction d’objectifs détectés par l’aéronef » français et estime « important de rappeler au partenaire que l’ALSR n’est pas un outil de ciblage ».

Pourtant, aucun accord ne sera signé ni la mission remise en cause, assure Disclose, qui affirme que « l’armée française est toujours déployée dans le désert égyptien ». Selon les documents obtenus par le média d’investigation, « les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018 ».

Vente d’équipements militaires en augmentation

Dimanche, le ministère français des armées a signalé que Florence Parly avait « demandé qu’une enquête soit déclenchée sur les informations diffusées par Disclose ». Il a refusé de communiquer sur les révélations du média d’investigation, précisant :

« L’Egypte est un partenaire de la France avec lequel comme avec beaucoup d’autres pays nous entretenons des relations dans le domaine du renseignement et de la lutte antiterroriste (…) au service de la sécurité régionale et de la protection des Français. Pour des raisons évidentes de sécurité et d’efficacité, nous ne communiquerons pas davantage sur la nature des dispositifs de coopération mis en œuvre dans ce domaine. »

Malgré la volonté affichée de Paris de recentrer ses exportations d’armements vers l’Europe, l’Egypte fait partie des principaux destinataires d’équipements militaires français. Ces ventes ont considérablement augmenté avec l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah Al-Sissi, en 2014, essentiellement entre 2014 et 2016 à la faveur de la vente de chasseurs Rafale, d’une frégate, de quatre corvettes et de deux porte-hélicoptères Mistral.

Le président Sissi a été reçu en décembre 2020 par Emmanuel Macron, qui lui a remis la grand-croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction honorifique française. Cette décision, dans un pays accusé par les organisations non gouvernementales de bafouer les droits humains et d’utiliser des armements contre des civils, avait suscité des réactions outrées sur les réseaux sociaux.

Le Monde avec AFP

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