Editorial du « Monde ». En Chine, faire disparaître ceux qui ne sont pas dans la ligne du Parti communiste ou qui portent atteinte à ses intérêts est une pratique classique. Le fait que l’on soit sans nouvelles de la joueuse de tennis Peng Shuai, qui a accusé publiquement l’ancien vice-premier ministre Zhang Gaoli de l’avoir violée, montre une fois de plus que la Chine ne recule devant rien pour protéger ses dignitaires.
Peng Shuai avait posté ses accusations début novembre sur Weibo, un équivalent chinois de Twitter, tout en disant qu’elle ne se faisait pas d’illusions sur l’efficacité de son témoignage. L’homme qu’elle accuse de viol a été en effet l’un des sept membres permanents du bureau politique du Parti communiste chinois de 2013 à 2018, sous le premier mandat de la présidence de Xi Jinping. Attaquer un personnage d’un tel rang ne pouvait qu’attirer les pires ennuis à l’une des rares joueuses chinoises de classe internationale et considérée jusqu’alors comme une héroïne nationale.
La censure a été immédiate : le message ainsi que les réactions qu’il a suscitées ont disparu d’Internet en quelques minutes, tandis que les médias d’Etat restaient muets sur le sujet jusqu’à ce qu’une chaîne de télévision chinoise prétende que la joueuse était revenue sur ses accusations – des déclarations dont l’authenticité est plus que douteuse.
Méfiance à l’égard du mouvement #metoo
La réaction n’est guère surprenante de la part d’un régime qui reste très méfiant à l’égard du mouvement #metoo. Le pouvoir chinois estime que le phénomène relève d’une conception purement « occidentale » des relations entre les hommes et les femmes. Cette « dérive » serait de nature à menacer le patriarcat qui caractérise le fonctionnement du Parti communiste et la plupart des institutions du pays. Les procès pour harcèlement sexuel restent rarissimes et quand ils ont lieu, les verdicts sont encore plus rarement favorables aux victimes.
Cette question prend une autre dimension à deux mois des Jeux olympiques d’hiver de Pékin : le pouvoir chinois ne peut pas revendiquer l’organisation de compétitions internationales tout en continuant à recourir à des méthodes d’un autre âge pour faire taire les athlètes qui le dérangent.
La question de l’attitude à adopter face à Pékin reste entière. L’Organisation des Nations unies (ONU) exige des preuves que la championne se porte bien, sans préciser à quelles conséquences s’expose Pékin dans le cas contraire. Les joueuses et joueurs du circuit international font part de leur émotion sur les réseaux sociaux, mais sont-ils prêts à boycotter les tournois organisés en Chine ? La WTA (fédération mondiale de tennis féminin) se fait la plus menaçante en se disant prête à cesser ses activités dans le pays.
Lors des JO de Pékin de 2008, l’Europe et les Etats-Unis posaient encore un regard optimiste sur une Chine dont la formidable croissance économique et la rapidité du développement impressionnaient et, espérait-on, conduiraient tôt ou tard à une ouverture politique. Treize ans plus tard, les illusions occidentales se sont brisées sur la concentration des pouvoirs par Xi Jinping et l’orientation autoritaire du régime.
Avant même que l’affaire Peng Shuai prenne de l’ampleur, le président américain, Joe Biden, avait envisagé un boycott diplomatique des JO d’hiver à Pékin pour protester contre les violations des droits humains en Chine. Cela consisterait à ne pas envoyer de responsables gouvernementaux pour représenter Washington, tout en laissant les athlètes américains participer aux compétitions. Cette éventualité est en train de se transformer en quasi-certitude. C’est une option que les délégations européennes risquent également de devoir examiner rapidement.
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